Le financement et la restauration

Je suis surpris de lire ici et là des papiers qui expliquent que la restauration et plus particulièrement la restauration haut de gamme ne serait pas ou plus rentable.

Elle tiendrait même à des contrats de droits d’image ou de consulting gagnés ailleurs pour renflouer le bateau amiral qui lui possède les distinctions, mais ne dégagerait plus de marge.

Je lis d’autres papiers qui expliquent qu’un chef de cuisine qui est aussi chef d’entreprise, ne peut pas faire en même temps de la cuisine, de la finance, de la communication, des ressources humaines etc. D’un autre côté, le moindre plombier ou électricien à son compte lui, ne se plaint pas de faire ces actions périphériques pour la bonne pérennité de son entreprise.

Cependant, je suppute une partie de l’origine à ce ras-le-bol de la gestion d’une entreprise : la méconnaissance des systèmes de financement. Avoir les bons outils pour financer, c’est préserver une trésorerie qui reste le secret de la réussite d’un bon nombre de société.

Alors comment faire pour financer ce qu’on crée ou développe ? Quelques pistes :

Travailler différemment avec les banques : frileuses en ce moment, il faut d’abord comprendre que ce n’est pas votre banquier qui prendra une décision mais son département appelé « les engagements ». Des personnes qui sont là pour protéger les intérêts de la banque et limiter au maximum les risques. Suite Covid, certaines banques ont pour consigne de suivre de (très) loin les projets hôteliers-restaurateurs, voire de ne pas y aller.

Mon conseil : travailler dès le départ en pool bancaire, c’est-à-dire réunir plusieurs banques autour d’une même table pour porter un projet et leur demander une réponse collective. Au départ d’un projet, vous n’êtes pas en position de faire jouer la concurrence sur les taux qui je le rappelle sont encore bas. Le secret est donc de répartir les risques et de gagner du temps en présentant une seule fois votre dossier et de garder à l’esprit que celui qui décide, ce n’est pas votre interlocuteur mais « les engagements ».

Pour les entreprises qui se développent, sachez aussi qu’il existe en ce moment le prêt PPR pour les entreprises en activité qui ont des nouveaux besoins, c’est-à-dire que vous prenez votre chiffre d’affaires de 2019 et vous le multipliez par 15 %, et vous trouvez un montant qui sera donc le montant maximum de votre prêt. Il vous sera proposé pour 8 ans. Pendant 4 ans, vous remboursez uniquement les intérêts, puis sur 4 ans les intérêts restants et la totalité du capital, outil plutôt intéressant en fonction de la stratégie de votre entreprise, à un taux moyen de 5 %.

Impliquer BPIfrance : Vous les connaissez sous le volet de la garantie, c’est-à-dire que dans 90 % de demandes de prêts bancaires, la banque vous demande une garantie qui est prise auprès de cet organisme, 30 % pour deux banques et 40 % si vous n’avez qu’une banque pour le projet.

Cependant, en fonction de la configuration de votre projet, vous pouvez aussi les solliciter pour du financement par exemple sur du prêt tourisme, où ils peuvent s’inscrire en pari-passu. (La banque vous prête 100 k€ et donc eux 100 k€). Leur outil est souvent sur 7 ans, c’est-à-dire avec 2 ans de franchise et ensuite remboursement sur 5 ans. Les équipes de département tourisme dans toutes les régions sont extrêmement compétents.

A côté du financement en prêt bancaire, il existe aussi les opérations de « hauts de bilan », c’est-à-dire qu’il entre au capital de votre société dans un format d’obligations convertibles : un filon pour développer sa boîte.

Capital-risque et Love money : Ici, l’idée est de trouver un investisseur privé ou un institutionnel (comme cité au-dessus BPIfrance) qui va mettre de l’argent dans le projet et demander une sortie de son capital généralement à 7 ans. La rémunération varie entre 4 et 8 % et si votre entreprise est en difficulté et que vous êtes obligés de faire appel à un fonds dit de « retournement », cela peut monter de 12 à 15 % pour « assurer » le risque.

La love money, c’est un ou plusieurs petits porteurs qui apportent des fonds par exemple sous forme de crowdfunding (financement participatif) ou un industriel de votre région qui a bien réussi et qui place son excédent de trésorerie ou ses propres fonds chez vous.

Je pense que ces outils sont très mal connus de la profession (et de vos comptables !) et qu’ils sont entourés de mythes alors que c’est une part de la solution.

Le capital risque est même conseillé lorsque votre entreprise a déjà plusieurs années d’activité, car vous pilotez de la croissance sans charger les remboursements immédiats en trésorerie d’un prêt classique auprès de la banque.

En synthèse, la restauration reste rentable, même si sur certains segments elle est à plus faibles marges, mais elle est souvent mal financée au départ ou pendant sa phase de réinvestissement. C’est l’une des raisons pour laquelle les entreprises vacillent. Trouver demain un développement serein et pérenne à votre entreprise, c’est aller sur des connaissances, qui ne sont pas uniquement celles de la cuisine et vous verrez, c’est tout aussi passionnant, il faut juste trouver les bons ingrédients.

 

 

 

 

 

 

 

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