C’est l’un des derniers billets de l’année 2016, presque 220 tables au compteur, une année riche, folle, joyeuse, bourrée de challenge et pleine d’humilité. Un seul constat : je n’ai jamais aussi bien mangé au restaurant que cette année. Alors, je me suis posé la question : cela veut dire quoi « cuisiner » ?
Cuisiner : C’est être enseignant et c’est le faire en saignant, à la sueur de son front, car c’est mobiliser sa propre détermination pour emporter une force collective en un seul projet : le plaisir du client.
Cuisiner : C’est transformer ses succès en victoires. Le succès ne suffit pas dans un parcours de vie, la victoire est en nous, il est dans chaque plat car ce plat sans le savoir c’est le symbole d’une chaine de valeurs… éleveur, producteur, magasinier, logisticien, serveur, pâtissier, cuisinier… il est la trace d’un territoire, il est le bouclier contre la globalisation.
Cuisiner : C’est laisser mijoter, longtemps, plus longtemps encore que vous le pensez… notre monde qui va vite a inventé la cuisson courte, le chalumeau, la poudre de perlimpinpin jetée au dernier moment sur une assiette, le dressage qui se néglige : ce n’est pas cela une assiette…
Une assiette cuisinée, nécessite des années pour sa conception, elle puise sa singularité dans la rencontre avec l’autre, le producteur, son collaborateur, elle prend corps d’abord dans la sauce qui la compose peut-être l’élément essentiel de sa composition, le reste ne pourrait être que garniture…
L’assiette, c’est un marqueur identitaire, c’est une signature indélébile qui fait que le client fera des milliers de kilomètres pour la découvrir.
Cuisiner : C’est comprendre que le brandcooking est le levier de croissance des prochaines années. Je fais 220 tables par an… trop de nappes identiques, trop de vaisselles qui se ressemblent, trop de « excellente dégustation « , » J’espère que cela vous a plu »…
Cuisiner : Ce n’est pas copier, c’est créer. Définir son territoire de marque, c’est se donner du temps pour réfléchir sur l’expérience unique que l’on souhaite offrir à son contemporain.
Cuisiner : Ce n’est pas seulement de la technique, elle est nécessaire et elle y contribue, cependant le degré de cuisson de l’œuf, on s’en fout en qualité de consommateur… de toutes façons, tous les culs des poules sont ronds…
En revanche, la chronologie des saveurs entre les plats et dans chaque plat, doit avoir une meilleure prise en compte.
Cuisiner : Ce n’est pas non plus sauver des vies, mais c’est surement prendre soin de la santé de l’autre. D’abord, d’un point de vue psychologique, car le client qui se rend au restaurant est dans un état d’esprit de célébration.
La table est le prétexte pour partager, aimer, créer, s’amuser, se fabriquer des souvenirs avec sa famille ou encore ses proches. Et ensuite, c’est affirmer la meilleure traçabilité d’un produit sain qui à subi le moins de chimie.
Cuisiner : Ce n’est pas définir uniquement son concept comme la table de ou la table du… car l’on cuisine dans un restaurant. Restaurant, c’est l’un des plus beaux mots du métier, car c’est lui qui réunit symboliquement l’équipage de la salle et des cuisines. C’est l’ensemble qui procure des émotions au client.
Cuisiner : C’est un ensemble, un chœur de talents composé de femmes et hommes qui emportent le cœur du client.