Dénicher des clients pour un restaurant est plus simple qu’avant : réseaux sociaux, sites de distribution, journalistes, guides gastronomiques, sites internet, logiciels de réservation de table ou de coffrets cadeaux, sites d’avis de consommateurs… les outils se sont démultipliés.
Concrètement, cela veut dire qu’un client de restaurant est d’abord accueilli sur des interfaces digitales, pour une réservation en ligne, ou par téléphone avant d’être accueilli physiquement.
La première précaution, qui est maintenant prise dans de nombreuses maisons, consiste à demander s’il y a des contrindications alimentaires : il m’est même parfois arrivé dans des maisons, d’être intérrogé à 3 ou 4 reprises : à la réservation, à l’arrivée puis à la commande. C’est bien simple, je vais maintenant au restaurant accompagné de mon médecin, tellement les questions sont de plus en plus précises.
Cependant est-ce que cet interrogatoire répond parfaitement à mes besoins, ceux qui conditionnent mes intentions d’achats ?
Dès le départ, les maisons me conditionnent sur de l’interdit et pas sur de l’envie.
Car l’envie est réduite à la simple lecture d’une carte.
Ainsi, et principalement sur le segment de la bistronomie et de la gastronomie, le processus de la prise de commande est réduit au seul principe, qu’à la fin du repas, « le chef doit savoir si tout s’est bien passé. »
Dans 50 % des cas, je perçois des chefs éprouvés par le service, presque contents que cela soit fini et je n’ai jamais compris pourquoi ils viennent chercher ce « jugement », comme si, moi consommateur, tel que Jules César, je pouvais lever ou baisser le pouce… ou peut-être ont-ils besoin d’une dose d’amour : « mais oui on t’aime, tu cuis tellement bien le steak ».
Lorsque vous travaillez dans d’autres secteurs d’activité, vous apprenez à approfondir les attentes du client, et ensuite vous les comparez au niveau de satisfaction des clients, pour éviter les écarts de perception.
En synthèse, vous mettez tout en œuvre pour proposer à des clients des prestations qui correspondent à leurs souhaits, et vous adaptez votre posture et la prestation, justement en travaillant sur la réduction des écarts.
Sauf que le chef d’un restaurant gastronomique, lui, travaille sur le niveau de satisfaction en se rendant en salle à la fin du repas, et ne travaille jamais au début du repas pour approfondir les attentes.
Et lorsque le client n’a pas le courage ou l’envie, d’indiquer en fin de repas son ressenti en direct au chef, et l’exprime sur les sites d’avis de consommateurs avec l’objectif de le partager avec d’autres, cela agace le chef, voire lui permet de faire 7 à 8 sur TF1.
Mais pourquoi consommez-vous autant de temps à savoir si le client à bien mangé ?
Vous avez mis des heures à mettre au point vos recettes, des heures à former vos équipes, des heures à commander les meilleurs produits et vous pensez que le point de contact avec votre client c’est quand l’expérience est finie ?
Les chefs qui demain réfléchiront au succès de leur restaurant, rencontreront le client avant l’expérience, non pas après.
Car pendant l’apéritif par exemple, le client est rassuré de voir le chef, étonnamment il a le sentiment qu’il va mieux manger car le chef est présent.
En technique de relation client, cela s’appelle la réassurance.
Ensuite le commun des mortels pense que la tête du chef est dans l’addition – plus il vous voit, plus il est prêt à payer cher.
En termes de technique de relation client, cela s’appelle la caution de l’expertise.
Enfin, c’est ici que se révèle le plus grand bénéfice pour le chef : il sait qui est dans sa salle ! Il a mis des visages sur des numéros de table, il a ressenti le type de plat à proposer pour chaque convive…
En termes de technique de relation client : cela s’appelle le miroir client.
Concrètement, avant son service, le chef aura cerné : le contexte, les attentes, les besoins, les désirs et les priorités. Ainsi, il rythme l’animation de son service différemment en cuisinant pour l’autre et plus seulement sur une base d’information réduite à un circuit de contre-indications alimentaires.
Certaines maisons ont déjà mis au centre de leurs attitudes des niveaux très élevés comme La Fourchette des Ducs ou habilement, dès l’entrée de chaque convive Serge et Nicolas sont à l’accueil. D’autres, comme Georges Blanc, dédicacent les menus et passent à chaque table dès le départ.
Le résultat ? Le client a déjà le sentiment d’avoir mieux mangé sans la moindre bouchée, car ils ont vu le personnage…
Nous pouvons ainsi nous demander s’il faut attendre le dernier moment pour rencontrer son client… Ce dernier est déjà passé par un accueil numérique pour se rendre chez vous, ainsi le premier acte d’amour à lui donner qui est une des valeurs fondamentales de la cuisine : c’est de la considération.