A minuit, tout est permis… pour ses équipes.

L’excellente initiative d’Eric Guerin de fermer son restaurant à minuit sera surement suivie par de nombreuses autres maisons, en tout cas, je l’espère. Il serait même bien qu’une association, un groupement, déjà existants se saisissent de cette simple idée pour la propager au plus grand nombre.

Pour tout vous dire, au départ, je me suis posé la question si cela était une excellente idée, car vous connaissez ma réticence à interdire ou à donner des règles à un client en quête de liberté. Mais la liberté s’arrête bien là où commence celle des autres.

Sur ce sujet, le 18 avril, je reçois un long message d’Amandine Carette des Terrasse à Tournus, pour donner suite à un billet que j’avais publié « ce n’est pas quand mais combien », A la suite de cette lecture, elle s’interrogeait sur les horaires du soir et sur le pourquoi les restaurateurs sont la seule profession à ne pas facturer les clients sur leur frais de main-d’œuvre.

Le raisonnement était logique : un plombier ou un électricien facture du matériel et de la main-d’œuvre, pourquoi ne pas faire de même et avoir finalement des horaires « de nuit » différents pour les clients qui confondent salle de restaurant et chambre d’hôtel. Pour finir, j’avais beau chercher une solution pour faire tourner un modèle, je n’arrivais pas à trouver l’idée d’une carte de restaurant sur ce format de tarif. Ici, le projet était aussi de décourager par le tarif, pas d’interdiction, mais une juste rétribution. Mais nous ne réglions pas le problème du bien-être des équipes où certains auraient dû rester. C’est donc elle qui m’a partagé en premier la publication de Monsieur Guerin avec comme commentaire « mon héros du jour ».

 

Cette belle idée impose aussi de redonner de nouvelles pratiques pour le client, par exemple de limiter les horaires d’arrivée du client, à partir de 19 h et jusqu’à 20 h 15 avec des créneaux de 15 minutes pour que tout le monde n’arrive pas en même temps, dans certains logiciels de réservation de table, vous pouvez même mettre des allotements pour que le créneau se ferme, aussi, par téléphone, il faudra être plus directif et dès l’annonce du soir, proposer les créneaux d’arrivée au lieu de les demander.

Pour le midi, je suis plus réservé, car il est plus facile de mettre en place une organisation avec des équipes pouvant assurer une journée continue en salle pour redresser le soir et donc d’offrir des horaires ou certains savent qu’ils ont leur soirée car de garde. Certes pour la cuisine, l’horaire de la dernière commande sera utile. Et dans ce cadre, arrêtons de penser que pour redresser une table, il faut absolument que tous les clients soient partis, si la carcasse n’est pas à refaire, il est très facile de redresser pour le soir, le mieux étant de penser des restaurants ou un espace qui permettent de guider les clients vers un bar ou autre espace d’accueil.

Réduire le temps, c’est aussi repenser le nombre de plats servis. Je n’ai jamais compris pourquoi les prix des menus les plus chers étaient ceux qui avaient le plus de plats. La gastronomie, ce n’est pas un concours sur la quantité mais sur la qualité. D’autant plus que quand j’échange avec des guides, leur remarque est toujours de dire pourquoi prendre des risques avec 6 plats alors que 3 parfaitement exécutés suffisent à se faire une meilleure idée. Trop de restaurants s’engouffrent dans une offre de dinette qui allonge les temps de service, de préparation en cuisine pour qu’au final un client explique qu’un ou deux plats ne sont pas au niveau du reste de l’expérience.

L’une des bonnes astuces serait peut-être d’avoir un menu fixe en 3 services à un prix moyen correspondant à la rentabilité de l’entreprise et d’avoir une formule d’un ou deux plats au choix à ajouter pour les plus gourmands. Ainsi, ce type de carte pourrait toutes les 3 semaines changer et offrir au client plus de diversité conçue sur le produit au top de la saison.

Au-delà des horaires de fermeture du soir, les deux autres sujets sont les coupures et le travail du dimanche, et la fermeture administrative des restaurants a fait profondément réfléchir les équipes sur le sens au travail.

Faire évoluer son modèle combinant confort des équipes et plaisir au client est juste, mais il faut redoubler d’ingéniosité pour en réalité pallier le profond problème de la restauration : la confusion d’une seule et même règle pour une restauration d’assemblage de produits et de transformation des produits.

La profession compose car personne n’arrive à se saisir du dossier de la clarification du mot « restaurateur artisan. ». L’ensemble des professionnels que je rencontre souhaitent que leurs équipes travaillent mieux, pas plus. Mais pour retrouver une nouvelle génération passionnée par ce métier, il faudra repenser le modèle des charges, de convention des restaurateurs qui transforment les produits.

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