Au cœur du règne des guides, la gastronomie est-elle une économie durable ?

Au cœur d’une actualité forte sur la légitimité des nouveaux promus ou déchus, il m’a aussi semblé comprendre qu’un autre signal faible était envoyé : la grande gastronomie devrait être encore moins chère.

Dans l’émission de grande écoute Quotidien de Yann Barthès, et alors même que le Guide vient de sortir sa distinction « verte » qui récompense l’engagement social et environnemental de certains chefs, le Directeur International du guide Michelin confiait qu’une de ses tables préférées étaient surtout à moins de 30 euros, un tarif encore plus avantageux qu’un bib gourmand ! Sur les réseaux sociaux circule, une carte qui a identifié les 100 restaurants ayant les prix les plus avantageux parmi la sélection des 660 établissements.

Le prix le moins cher est-il devenu une valeur de référence au cœur d’une société qui souhaite trouver de nouvelles solutions pour un développement durable et sociétale ?

Être mieux placé dans les plateformes de distribution en faisant des remises à -20 % -30 % -50 %, ou expliquer à des restaurateurs qu’il faut lancer des opérations de promotion en pleine polémique autour de Bocuse car le site internet du guide fait plus de connexion… sont des discours qui m’interpellent.

« Moins cher », « au rabais », « en promo », est-ce l’avenir auquel restaurants gastronomiques sont condamnés ?

La stratégie du « moins cher » ne peut pas être la réponse à des enjeux tels que comment mieux rémunérer et payer à temps les producteurs et éleveurs pour qu’ils sortent aussi d’un système de production intensive.

La stratégie du « moins cher » n’est pas la réponse à comment protéger la santé et la planète où la solution est de moins et mieux consommer.

La stratégie du « moins cher » n’est pas la réponse à comment trouver des innovations pour mieux rémunérer ou trouver des plages horaires de travail plus confortables pour un secteur qui en a besoin afin combattre la pénurie de personnel.

La stratégie du « moins cher » est-elle une solution alors que le message donné au restaurateur est de faire moins de couverts par service pour continuer à progresser dans les guides… Comment demain équilibrer la rentabilité d’une entreprise ?

Alors oui nous voulons connaitre le prix de tout mais avec ces intentions du « moins cher », nous n’aurons plus la valeur de rien.

Que faut-il prendre en compte au sein d’un restaurant gastronomique pour trouver de la croissance et de la marge ?

Il faut entrer au cœur de vos offres, la logique de la période : Au déjeuner en semaine, les clients veulent aller plus vite car leur temps est compté, tout simplement parce qu’ils veulent faire d’autres activité en plus du repas et l’excuse de « c’est gastronomique, donc c’est long ne leur convient plus ». Le reste du temps, les restaurants sont des lieux de célébration. Ce n’est pas un prix par exemple à 45 euros qui les détourne des maisons, c’est que vous ne soyez pas capable de le servir en 45 minutes !

Les restaurants sont des lieux de célébration, pas des lieux de contemplation du dernier tatouage du chef, même si pour certains clients la tête du chef est encore dans l’addition. A 50 % les clients viennent fêter quelque chose chez vous… hormis la dernière innovation d’une bougie sur un gâteau, qu’avez-vous fait pour vous démarquer et offrir un plus pour leur évènement. Pour que l’on soit bien clair, le choix de votre maison n’est pas leur motivation, vous êtes juste le lieu où leur besoin est de se retrouver en famille ou entre amis, en fait vous êtes un juste un point de chute. Combien par exemple parmi vous pensent à indiquer dans un logiciel les coordonnées de la personne qui est venue fêter un évènement pour simplement lui glisser un mot l’année d’après, combien ont réfléchi à pourquoi fêter l’anniversaire tout au long du repas et pas seulement à la fin de celui-ci ?

Aussi, vos restaurants deviennent de plus en plus des lieux où celui qui paye n’est pas celui qui consomme en témoigne l’engouement des clients pour les coffrets cadeaux. Cet engouement montre bien le côté festif d’une table gastronomique, et même si le facteur « meilleur prix » est toujours déclencheur d’achat, l’émotion liée à un repas pris dans une table gastronomique n’est pas inversement proportionnelle au prix !

Il existe des boulevards pour faire mieux alors que les messages donnés au marché des plateformes du globale deviennent : vous n’avez qu’à agir sur les tarifs et faire moins pour vendre au plus grand nombre.

C’est compliqué de repenser sa chaîne de valeur, de trouver des nouveaux moyens de séduire, de déterminer des angles saillants qui rendent vos maisons uniques mais cela peut être aussi un formidable challenge où demain vous récolterez de nouveaux fruits, ceux qui ont le goût du bon et du bonheur.

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