Le fast-food : un exemple pour la gastronomie.

La crise des ressources humaines en restauration s’installe définitivement, le phénomène s’ancre, des restaurants ferment même maintenant à certains services : faute de main d’œuvre.

 

A priori, cette situation est plus marquée en salle qu’en cuisine, lorsque le positionnement du restaurant est sur un segment gastronomique, tout le monde est touché et étonnamment le segment le moins impacté reste la restauration rapide. Moins de compétences exigées, l’idée de l’emploi qui aide à payer les études, des horaires flexibles en continu : une adaptabilité qui séduit.

 

Alors je me suis posé la question, si la gastronomie ne devait pas, pour résoudre une partie du problème des ressources humaines en salle, emprunter des méthodes des fast-food ?

 

Dans les fast-food, les postes sont considérés comme des équipiers polyvalents, ils peuvent travailler au comptoir, à la caisse, ou au « drive ». Dans les restaurants gastronomiques, les postes sont très hiérarchisés : commis, demi-chef de rang, chef de rang, maître d’hôtel et directeur de la restauration.

 

Lorsque j’écoute la nouvelle génération, j’ai la sensation qu’une grande majorité les chefs de rang rêvent de devenir sommelier, et que les sommeliers souhaitent devenir directeur de salle, et lorsque j’écoute les dirigeants, ils cherchent avant tout des commis ou des demi-chef de rangs qui eux même ne rêvent que de devenir chef de rang ou maître d’hôtel. Comme si les emplois à pourvoir n’étaient que des postes en championnat de France alors que les salariés souhaitent jouer en champions league, une sorte d’incompréhension entre les employeurs et les employés.

 

Pour résoudre une situation de crise qui devient pérenne, il faut innover, et parfois innover c’est simplement relier une constatation à une autre : mon constat est que le métier d’équipier dans les restaurants gastronomiques n’existe plus, et que c’est la raison pour laquelle les maisons ne trouvent pas de collaborateurs, voire baissent même de niveau en termes d’expérience client.

 

Car moi, il faut que l’on m’explique à quoi cela sert d’avoir un chef de rang ou maître d’hôtel qui a fait des études, qui parlent plusieurs langues, a de l’expérience et à qui on demande de passer des assiettes au vinaigre… et je pourrais vous citer des tas d’autres exemples sur les tâches de mise en place, rangement, nettoyage, qui sont demandés aux équipes.

 

C’est-à-dire que la polyvalence est demandée aux personnes les plus qualifiées au lieu de les concentrer sur leur expertise.

 

Ainsi, une chaîne de responsabilité s’écroule sous le regard perdu des dirigeants qui s’exclament : « c’était mieux avant » : Et bien non, ce n’était pas mieux avant, l’époque de la servitude est révolu et au final être un professionnel, ce n’est pas un état, c’est un équilibre : c’est-à-dire la capacité à comprendre que le monde à évolué et que cette évolution est une chance pour les plus audacieux.

 

Oui, en réhabilitant le métier d’équipier dans la restauration gastronomique et en empruntant des codes au fast-food, cela va vous aider.

 

Je recommande d’abord d’envisager des métiers sans coupure, ou la totalité des responsabilités des mises en place, nettoyages, préparations… ne soient supervisées que par un chef de rang ou un maître d’hôtel qui, tour à tour, assureraient une permanence. Cela permettra à vos équipes de professionnels de commencer plus tard et d’être opérationnels au meilleur moment, celui en présence des clients.

 

Ce métier, voire ce service, doit être le plus structuré dans ses protocoles, la haute performance demande par exemple d’avoir les meilleurs préparateurs comme en formule 1. La structure apporte la conviction et la conviction la quête d’excellence.

 

Enfin, une progression métier peut aussi exister pour un équipier en devenant « runner » (c’est-à-dire les personnes en charge de la responsabilité de la coordination des plats entre la salle et la cuisine). Une progression pour passer des coulisses à la piste, en salle.

 

En réalité, vous ne manquez peut-être pas de demi-chef de rang ou de chef de rang, vous ne repensez simplement pas les tâches que vous demandez à vos équipes en les distinguant et en les rendant précises sous le signe de l’expertise. Alors qu’en cuisine, cette évolution est déjà engagée car un non nombre de plongeurs épluchent maintenant les légumes pour que les cuisiniers se concentrent sur leur taillage et cuisson.

 

Je ne dis pas que financièrement l’ajout d’un poste est possible dans toutes les maisons, cependant, si vous êtes déjà en sous-effectif cela ne sert à rien de chercher à doubler quand vous pouvez compléter en inventant un nouveau métier.

 

Ainsi, repenser les postes d’équipiers dans vos maisons, c’est aussi donner une chance à des personnes qui sont parfois en recherche d’emploi depuis longtemps et qui seront fières de rejoindre une marque aussi prestigieuse que la vôtre. Vous le verrez, ces personnes sont formidables car souvent avec peu d’études, elles ont la capacité de faire pour apprendre. Votre niveau d’exigence sera sur le savoir-être, et plus uniquement sur le savoir-faire et c’est ainsi que vous conserverez aussi vos professionnels, en leur expliquant que leur avenir est l’expertise. Petit à petit, vous leur libèrerez certaines tâches pour qu’ils continuent à progresser.

 

Imaginer une brigade en salle, ce n’est plus recruter des talents, c’est constituer une équipe.

 

 

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