Comment financer son restaurant surtout quand il est gastronomique ?

En partant de zéro, il est de plus en plus difficile de convaincre les marchés financiers pour ouvrir et lancer son restaurant surtout quand il est sur le secteur du haut de gamme. Plus prudents, les banquiers ou sociétés spécialisées en haut de bilan sont de plus en plus réticents.

Décryptage d’une situation et solution pour trouver des solutions.

Depuis maintenant une dizaine d’année, j’accompagne au sein de nos activités de conseil, de futurs entrepreneurs qui avant de travailler doivent convaincre, et d’autres déjà patrons de leur entreprise qui sont dans des cycles de 5 à 10 ans et réfléchissent à leur prochaine étape de développement. A chaque année qui se succède, les projets sont plus difficiles à défendre et demandent une analyse très fine du marché pour que les organismes prêtent de l’argent.

L’embuche n°1 : les messages subliminaux des guides gastronomiques :

A force de ne récompenser que les maisons qui servent très peu de couverts, et qui doivent réduire la voilure du nombre de services pour monter en gamme, les banques à ce jour sont très réticentes sur une stratégie qui serait basée uniquement sur une montée en gamme. Dans certaines régions, certains banquiers refusent même le dossier dès lors que l’on évoque des CV de chefs ayant travaillé uniquement dans des étoilés Michelin et voulant lancer leur propre restaurant gastronomique. Pas assez de volume, prix trop élevé, le risque de la perte du positionnement avec l’étoile devenue éphémère… Un business plan sur 5 ans est plus difficile à défendre.

Nous sommes tellement sur un marché tendu que maintenant un chef qui garde ses étoiles est plus félicité qu’un chef qui vient d’en gagner. Evidemment, c’est une évidence cela à une conséquence sur la confiance du marché et ses emplois.

L’embuche n°2, le type de fonds de commerce :

Lorsque c’est la création d’un fonds de commerce ou la reconversion d’un restaurant, le dossier est plus délicat à soutenir alors que la reprise d’un restaurant distingué est déjà plus simple surtout dans les grandes villes, car dans le fonds de commerce au-delà de la marque il y a une clientèle. En termes de communication, je recommande d’expliquer que « garder les étoiles » n’est pas une bonne stratégie la première année, car vous faîtes peu de presse quand vous les conservez (vous n’êtes pas cité dans les lauréats – c’est une sorte d’héritage mais pas de gain donc moins de légitimité). Aussi, avoir 2 étoiles d’un coup par exemple n’est pas la meilleure des idées car au lieu de faire successivement 2 fois de la presse, vous n’en faites qu’une seule fois. Il faut bien comprendre, que ce n’est plus les guides qui remplissent les restaurants, mais les plateformes d’avis de consommateurs et les stratégies de communication liées à l’entreprise avec des effets de leviers dans les réseaux sociaux, ainsi peaufiner plus cette deuxième partie dans les dossiers que le positionnement dans les guides considérés comme instables par les opérateurs de la finance.

L’embuche n°3, le manque de fonds propres :

Vous avez beau avoir un CV long comme le bras, cela ne suffit pas, cependant des fonds en capital développement se sont spécialisés pour accompagner des talents en devenir. Leur mission est simple : apporter par exemple sur un projet de 1 million, 250 keuros de newmoney, et au bout de 5 ans quand les autres 750 keuros ont été remboursés auprès de la banque, vous repartez sur un nouveau prêt pour rembourser les 250 keuros plus leur plus-value. Des plateformes participatives sont aussi de bonnes solutions et en province, il existe la lovemoney, c’est-à-dire des industriels ou des privés qui font un apport en capital, moins gourmand et plus attaché que les sociétés de capital développement, c’est une belle piste pour doter le financement d’un meilleur apport.

L’embuche n°3, le manque de connaissance des outils :

Par exemple BPI est un vrai partenaire dans le montage des affaires, mais c’est mal connu. Souvent utilisé pour uniquement de la contre-garantie de prêt bancaire pouvant aller jusqu’à 40 %, peu savent que BPI peut aussi intervenir à un maximum de 1 million d’euro dans un projet à côté des banques grâce au prêt tourisme. Il vient d’être réouvert aussi pour uniquement les projets de restaurant (avant que l’hôtellerie). Il est surtout très utile pour les établissements déjà ouverts et souhaitant une diversification ou agrandissement. Il n’est pas éligible en cas de création de fonds de commerce, mais la reprise est étudiée. Il existe aussi des outils de « prêts de transmission » qui peuvent être étudiés. Attention au niveau des garanties pour les prêts bancaires, le pourcentage de la caution est à payer dès le départ et sous forme de charge donc une trésorerie importante qui part dès la première année.

L’embuche n°4, le business plan pas assez diversifié.

A l’époque, les Familles Rostang, Savoy, Lacombe avaient diversifié rapidement leur offre en montant « les bistrots d’à côté ». Le dollar était à 10 francs, les entreprises étaient moins regardantes sur les dépenses et elles étaient un pilier de leur clientèle, un gastronomique en avait plein les caisses. Conclusion, c’est le gastronomique qui finançait les bistrots, à ce jour, c’est le contraire ! D’autres ont ouvert la voie comme la famille Oger, Henriroux, ou Chapuis, ils ont lancé en même temps deux offres et cela marche ! Alors oui la table dite d’expérience peut uniquement servir jusqu’à 30 couverts, puisque le volume est fait à côté. Il y a certes des programmes ou au-dessus de votre tête, il existe encore un palace ou un hôtel 5 étoiles, mais nous l’avons vu dernièrement, ces décideurs n’hésitent plus à fermer les danseuses car ils savent que les habitudes alimentaires et de consommation de leurs clients ont changé.

Entrepreneur est en France l’un des métiers les plus difficiles, il faut prendre des risques, convaincre, batailler chaque jour et pour les quelques qui réussissent, ils sont détestés car nous avons en France un problème avec l’argent. Avoir des responsabilités, ce n’est pas seulement être entrepreneurs, mais aussi manager un projet et un lieu en trouvant des solutions pour partager la réussite.

Monter ou diriger une entreprise, c’est comme se jeter d’une falaise où pendant la chute, il faut savoir construire un avion. Alors je vous invite à faire le pas, car c’est grisant, tout en sachant que le plan de vol… il faut l’avoir pensé et écrit davantage qu’avant, que l’on soit actionnaires ou pas.

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