En France, nous avons un point de vue sur tout, plus particulièrement quand cela touche à notre gamelle, et dans la majorité des cas, nous sommes convaincus et pas toujours convaincants. Lorsque le phénomène est nouveau et qu’il se développe à vive allure, il inquiète, favorise les doutes.
C’est souvent lié à un manque de connaissances sur le sujet mais à coup sûr pour la gamelle, il ressort toujours deux arguments expliquant que nous serions différents des autres : En France, « nous avons une gastronomie, les autres pays n’ont qu’une cuisine » et ensuite pour se faire bien (mieux ?) voir, il faut expliquer que « mon ennemi, c’est la finance. »
Ces deux mamelles fondatrices des courants de pensée ne sont donc pas propices à l’arrivée des concepts de Dark-kirtchen.
Le terme dark kitchen est un vocable anglais repris dans l’usage courant du français pour désigner des « restaurants virtuels », accessibles uniquement en ligne via des plateformes de livraison de nourriture sur Internet.
Le fait de simplement associer le mot « restaurant » à ces laboratoires hérisse le poil des chefs de cuisine en restauration traditionnelle et collective, ainsi, ce nouveau mode de consommation plébiscité par le grand public est accueilli à coup de boulets rouges en France avec une parfaite confusion entre les plateformes de livraison qui incontestablement paupérisent actuellement les livreurs et pratiquent un hold-up sur la profession à coup de commissions exorbitantes, fragilisant ainsi une chaîne de valeur.
Faut-il pour autant confondre le concept de Dark-kichten et déjà les condamner en les confondant avec les pratiques des plateformes de distribution qu’il faut dénoncer ? Certes des marques comme Deliveroo qui diversifie déjà son business et souhaite être sur présent sur l’ensemble des cycles de la chaîne de valeur peut induire en erreur. Son offre de service « Deliveroo Delivery » propose à des enseignes moyennant une commission sur le chiffre d’affaires de mettre à disposition aussi des cuisines de production en plus des commissions sur la distribution.
Mais revenons sur ce concept de Dark-kitchen exclusivement : En 75 ans, le consommateur se nourrit différemment à la maison : il a récolté/élevé puis cuisiné, il a acheté puis cuisiné, il a acheté et mangé des plats industriels qu’il a réchauffés, il veut maintenant acheter diversifié, se faire livrer et manger immédiatement : concrètement, ben il continue à se nourrir.
Pas obligatoirement de se faire à chaque fois plaisir, mais de se nourrir. A côté de cela, il aime enchanter son quotidien et pour ce faire, il se rend au restaurant, où l’ambiance compte autant pour lui que l’assiette et dans ces moments-là, il est même en attente d’un peu plus de gras ou de sucre comme l’explique très bien Bernard Boutboul de Gira Conseil dans ses études indiquant les angles de réouverture des restaurants. Car oui en période de fête, le consommateur souhaite se faire plus plaisir dans les moments de partage.
Mais ces consommateurs et les nouvelles générations sont en revanche de plus en plus regardants sur ce qu’il mange à la maison. Les habitations deviennent plus saines, plus bios, plus healthy. Il suffit de voir les campagnes de publicité véhiculées par la grande distribution pour comprendre que les attentes ont changé.
Dans l’instant, en regardant les offres des marques virtuelles, je n’arrive pas à croiser la courbe entre les attentes des consommateurs à la maison et les offres des Dark kitchen qui continuent de bâtir leurs offres sur le trio : Hamburger – Pizza – Sushi et mettent une couche de saveurs du monde pour tenter de créer de l’innovation.
Je pense que la structuration de ce business viendra des marques virtuelles qui auront compris que le marché est de proposer à la maison une offre de nourriture saine avec des repas équilibrés où le consommateur pourra diversifier plus facilement son alimentation.
En réalité les Dark Kitchen ne vont pas vider les restaurants, ils vont juste inquiéter les industriels de l’agro-alimentaire qui demain vendront moins de plats préparés dans les grandes surfaces.
Bien entendu, cette perception du marché que je pressens ne pourra se mettre en place que si les chefs sont sensibles au mieux acheter en direct, et s’engagent à réaliser une cuisine sans additif et sans conservateurs, à pratiquer une cuisine de saison, avec une vision du bon pour la santé, alors, ils se saisiront de ces lieux au lieu de les flinguer.
Bien penser, ces lieux, c’est offrir de nouvelles conditions de travail en journée continue, mais permettre aussi à d’autres de changer de métier et de devenir cuisinier. Cuisiner plusieurs cartes peut être plus enrichissant pour les collaborateurs.trices que de produire toujours une seule et même carte.
Dès le départ, une réflexion sur le zéro déchet peut être pensée dans l’implantation de ces cuisines qui consommeraient moins d’énergie, les techniques de cuisine peuvent même progresser pour combiner des plats et emballage éco-responsable qui conservent mieux la chaleur. Surtout ces lieux peuvent contribuer à ce que nos contemporains mangent mieux à la maison si une orientation saine est donnée à la création culinaire.
Alors certes, certaines implantations apportent des nuisances d’odeur, de bruit ou pire sont sans lumière naturelle, presque au fond d’une cage d’escalier, mais comme tout marché en époque pionnière, si nous ne faisons que gindre, nous n’aidons pas à le forger et le guider vers un avenir qui peut le guider vers des valeurs vertueuses.