Dark-Kitchen, l’empire du mal de la restauration ?

Dark Kichten ou Ghost Kitchen : il n’y a pas plus anxiogène comme appellation pour le lancement d’un nouveau modèle économique ! Ces lieux émergent pourtant dans le monde depuis 2 à 3 ans. Ils sont considérés par certains comme des « restaurants sans public » avec cette définition, ils suscitent autant d’intérêt que de critiques depuis la crise de la Covid-19 ; décryptage d’un phénomène qualifié de cuisine 2.0.

D’abord, il faut bien comprendre que les acteurs ne sont pas tous positionnés sur la même chaîne de valeur : les marchés financiers ne sont pas intéressés par la cuisine mais par la location de cuisines équipées, en réalité ils sont des acteurs de l’immobilier. De l’autre côté d’autres acteurs s’activent sur la logistique de livraison et le positionnement de leur marque auprès du grand public pour devenir le « booking » de la bouffe : Bienvenue dans le monde des intermédiaires qui couvrent l’ensemble de la valeur.

Au milieu des cuisiniers qui réfléchissent à faire pivoter leur métier ou d’autres personnes souvent en reconversion qui souhaitent devenir entrepreneur en minimisant les risques : très peu d’investissement, une passion pour la cuisine, la proposition de quelques marques comme Deliveroo, UberEats, Justeat pour avoir des débouchés commerciaux mais vous l’avez compris : la future entreprise devient dépendante d’un système bâti sur le concept du hold-up.

Il y a certes des avantages :

L’entrepreneur se greffe à un hub monté aux normes sanitaires pour tout de suite exercer. Les banques étant devenues sourdes auprès des restaurateurs qui souhaitent investir, ici, il loue immédiatement un local qu’il peut trouver à équiper ou déjà équipé et qui se trouve dans une zone où il y a du flux. En général, les loueurs de cuisine équipées demandent un loyer plus un pourcentage sur le chiffre d’affaires réalisé. Cette décision répond à une stratégie d’usage, loin de l’entrepreneur qui pourra demain céder un bien, mais ces lieux peuvent être vus comme des incubateurs mettant le pied à l’étrier au sein d’une communauté d’autres chefs pour progresser ensemble.

C’est aussi une solution d’accélération pour des mini-groupes de 10 à 30 établissements qui souhaitent demain s’implanter sur d’autres territoires. Par les Dark-kitchen, ils peuvent se déployer très rapidement car les modèles économiques de la finger food (type sushi, hamburger…etc.) sont déjà à 80 % dans la livraison. Un mini groupe peut passer plus rapidement à la taille de la chaine nationale en couvrant tous les territoires.

Mais comme toute économie en époque pionnière, il a aussi de vraies questions à se poser :

D’abord celle de la dépendance de quelques acteurs qui, à coup de commissions, kidnappent dès le départ les débouchés de l’entrepreneur. Je suis même surpris que des chefs étant déjà des marques à Paris fassent pointer leur site officiel sur ce type de plateforme : on marche sur la tête. Pour bâtir une entreprise solide, un distributeur est une aide qui doit représenter un maximum de 20 à 30 % de la distribution. Il faut plus informer ces futurs entrepreneurs qu’ils doivent aussi investir dans leur propre marque car à la fin, il n’y a que cela qu’il arrivera à céder, la cuisine ne lui appartenant pas.

Aussi, il y a les stormtroopers, les livreurs, cette armée mal formée, et aux conditions de vie baignées de manque de sécurité financière et sociale. Ils suivent en permanence leur smileys sur l’application : il devient orange s’ils ne livrent pas assez vite.

Enfin, dans ce nouveau monde, j’ai cru comprendre que « le plastique : c’est fantastique ! ». Pour gagner plus, pour aller plus vite peu de personnes ne prennent en compte des solutions de recyclage mais surtout de consigne.

Si vous avez la chance d’être propriétaire d’une dark kitchen, vous pouvez agir :

  • D’abord en créant une marque qui représente l’ensemble de vos cuisines où le consommateur pourra commander plusieurs plats différents faits par plusieurs chefs et n’avoir qu’une seule livraison. Le chef aurait sa propre boutique en ligne où le stock serait aussi automatiquement disponible sur votre propre portail. Une alternative de poids aux acteurs de la distribution incapable de passer une commande dans plusieurs restaurants en même temps.
  • Vélo ou scooter électrique : est-ce qu’investir vous-même dans ce service et salarier les équipes, ce n’est pas apporter une expérience client avec un supplément d’âme où de nombreux autres services de livraison peuvent venir se greffer à des heures creuses.
  • Bâtir une centrale d’achat pour garantir une traçabilité et origine des produits consommés à la bonne saison ne serait-il pas aussi une arme pour convaincre le consommateur sensible à sa santé.

Vous le voyez, de Dark nous pouvons passer à White assez simplement. À condition de penser que l’économie peut elle aussi, être vertueuse.

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