Modifier les habitudes de consommation n’est pas une chose aisée.
La restauration traverse actuellement trois crises simultanées : le recrutement, les faux avis, et les clients qui réservent mais ne viennent pas.
Sur ce dernier sujet, alors que l’hôtellerie est dotée de bonnes procédures, car elle a calqué en grande majorité son parcours client sur le modèle de réservations des compagnies aériennes, la restauration en France, elle, peine à s’organiser.
Ainsi, il n’est pas rare de lire sur les réseaux sociaux, l’agacement de nombreux chefs qui pointent du doigt la table de 2, 4, 6, 8 personnes qui n’est pas venue et ainsi plombe une activité déjà fragilisée car fortement taxée.
Ce qui coûte cher dans un restaurant : c’est la chaise vide. Lorsque vous pensez l’avoir déjà vendue mais surtout qu’elle aurait pu être vendue 2 ou 3 autres fois et que le client initial ne vient pas, c’est une perte sèche, notamment pour les tables prônant la qualité, car elles ont établi leur expérience client sur des circuits courts de livraison et de transformation des produits.
Les voix commencent à s’élever, mais personne ne prend réellement la main pour une bonne fois pour toutes, pour créer un nouveau parcours de réservation.
Oui, la carte bancaire est nécessaire pour confirmer une réservation de table, et oui, si le client n’honore pas sa demande, des conditions d’annulation claires et parfaitement indiquées à la réservation doivent être appliquées.
Par exemple : la facturation d’au moins 50 % du prix moyen du menu, et pourquoi pas jusqu’à 100 % comme cela se pratique aux USA.
Pourquoi, est-ce si difficile à mettre en place en France ? En réalité, c’est peut-être seulement 10 à 20 % des clients qui se comportent mal, et c’est imposer au 80 autres, une nouvelle habitude de consommation, mais cette démarche est nécessaire pour conserver les meilleurs restaurants.
Pourquoi, je me permets de parler du segment des meilleurs restaurants souvent distingués par les guides ?
Car ces maisons font rarement ce que l’on appelle « du passage », c’est-à-dire des clients s’arrêtant spontanément au moment du déjeuner ou dîner. Ainsi, pour anticiper les approvisionnements, les ressources en personnel, ces établissements où souvent « tout est de fabrication maison », ont besoin de garantir leur table, car ils achètent les denrées en fonction de l’occupation à venir.
Sans passage, vous ne pouvez pas remplacer au dernier moment une table vide… Ainsi, la profession doit réfléchir à mettre en œuvre des conditions d’annulation presque uniformes pour toutes les maisons toquées ou étoilées pour commencer, sans oublier de penser aux toutes petites structures, où cela est aussi nécessaire.
Avant même d’engager un débat autour d’un pourboire obligatoire, Il serait peut être bon de réfléchir à une solution pour garantir la venue du client, car une chaise vide, ne laissera pas grand chose.
Si définitivement, la profession souhaite conserver le cercle vertueux des meilleurs producteurs, c’est-à-dire d’avoir le moyen de les payer, il faut que le consommateur au bout de la chaîne ne fasse plus des promesses de réservation, mais prenne l’engagement de venir auprès des professionnels.
Certes, il existera toujours des cas extrêmes d’urgence qui empêchent d’honorer une réservation, et ici nous savons que les restaurateurs sauront déroger à la règle, car le projet n’est pas de perdre des clients, le projet est d’éliminer les clients qui par négligence, ne prennent pas en compte l’investissement d’une maison pour toujours mieux les accueillir.
Gagner la confiance, c’est offrir une lisibilité de la règle. Si la règle est portée par la majorité des maisons, et de façon simultanée, elle aura un impact fort, sera acceptée de tous, et permettra de pérenniser une chaine de valeur actuellement fragilisée.