La place de la femme : c’est en cuisine

A la lecture de ce titre, vous avez surement cliqué sur ce lien pour savoir comment vous alliez devenir un ou une hater sur mes comptes de réseaux sociaux… et si vous me laissiez une petite chance en lisant d’abord ces quelques lignes.

Oui, la place de la femme est en cuisine… dans le monde professionnel et loin de moi l’idée de penser que c’est son rôle dans la sphère domestique même si l’histoire nous rappelle que son rôle à été de gérer le foyer jusqu’à une première émancipation en 1965, lorsqu’elle a pu, en France, choisir sa profession sans demander l’autorisation à son mari.

Mais si on analyse les faits, dans le monde de la gastronomie nous comptons 27 cheffes étoilées dans l’édition du guide Michelin France 2021 sur 638 tables et seulement 7 cheffes sont 3 étoiles dans le monde.

C’est donc cette journée du 8 mars, journée internationale des droits de la femme, qui m’a amené à me poser des questions sur pourquoi c’est encore compliqué pour les femmes de progresser dans la hiérarchie des brigades, des notations des grandes tables même si je note des améliorations depuis maintenant 10 ans.

L’environnement : D’abord car la cuisine professionnelle est un territoire masculin, qui empreinte des codes de guerre pour installer un management parfois autocrate où cohabitent « coups de feu » et organisation hiérarchie militaire qui date d’Escoffier et n’a jamais été réformée, repensée ou renversée. Cela a conduit à des univers de cuisine sexistes où le harcèlement était (est) coutume. C’est même invraisemblable de penser que dans cette profession, une grande majorité des restaurants ont des vestiaires mixtes. Je constate même qu’en cuisine les femmes lesbiennes sont plus respectées, comme si les hommes confondaient tout dans leur jugement. Cependant la pénurie de personnel fait réfléchir les managers, ainsi la considération au travail et à l’autre, quel que soit son genre, fait de plus en plus loi : bonne nouvelle pour que les femmes s’imposent demain à des postes hauts placés et soit mieux respectées.

Le management : Se faire obéir par des hommes, c’est compliqué pour une femme et pas seulement en cuisine. Si vous regardez bien le parcours des femmes qui ont réussi en gastronomie, elles ont souvent d’autres parcours que la cuisine avec des niveaux de formation importants dans d’autres domaines, la pharmacie, la psychologie, le commerce, etc. Comme si pour être prises au sérieux, il fallait avoir une autre histoire légitime que la cuisine à raconter pour pouvoir diriger ou pour simplement être remarquée. Encore trop d’hommes les considèrent en cuisine comme des muses « Ah la cuisine de ma mère, Ah les souvenirs de ma grand-mère ! » alors qu’en ce moment, nous avons tous des cousines ou des sœurs qui ne demandent qu’à révéler leur talent en leur laissant prendre des initiatives pour continuer à faire progresser notre gastronomie.

La rémunération et les conditions : La grille salariale n’est toujours pas égale et c’est incompréhensible, les salaires peuvent aller jusqu’à 25 % de moins pour les mêmes responsabilités ! Les horaires ne sont pas favorables et compatibles avec une vie de famille. Rien n’est pensé par les entreprises pourtant de haute performance pour concevoir une organisation adaptée, alors la réponse : « on prend des couples, mais bon c’est dangereux car quand ils partent nous perdons 2 ressources.. » mais s’ils sont en couple, vous n’avez pas pensé qu’un jour, ils aimeraient aussi fonder une famille et se projeter dans une entreprise en trouvant des solutions adaptées à leurs envies ? La gastronomie qui brille sous les prix décernés par les autres, ne prend toujours pas la lumière en tant que marque employeur.

La visibilité : Dans le monde de la gastronomie, la visibilité est verticale, dirigée par des hommes à la tête de guides et des faiseurs de roi : des journalistes qui ne peuvent maintenant venir tester des restaurants que si des attachées de presse les invitent. Et lorsque l’on observe le marché de la restauration haut de gamme,  les femmes cheffes ont des entreprises plus intimistes avec aucun moyen pour dépenser 2000 à 4000 euros par mois pour une agence de presse, alors elles sont moins visibles. Mais cette verticalité est bousculée par les podcast, les réseaux sociaux, souvent tenus par des influenceuses, une carte à jouer pour les cheffes pour se faire connaitre différemment.

Notoriété et parité : Pour gagner en notoriété, la création de contenu est une des clefs, un outil est par exemple le livre de cuisine, combien de cheffes ont pu sortir leur propre livre de cuisine 4, 5 ? Quand l’annonce de cette année de Topchef a été d’indiquer qu’un nouveau jury allait arriver, pourquoi encore un mâle ? Nous aurions pu arriver à une parité ! Pendant le confinement, la cuisine était devenue valeur refuge presque maternelle dans ce monde baigné d’incertitudes, et on a imposé aux Français tous les soirs « Maman Lignac ». Les médias n’auraient pas pu prendre leurs responsabilités pour équilibrer cette émission improvisée ? Enfin, et je sais que c’est difficile à concilier pour les cheffes de prendre la parole lors de manifestations car il faut combiner vie privée et professionnelle, mais vos prises de parole et votre vision sont essentielles dans un métier qui se transforme, vous montrer, c’est gagner petit à petit la parité.

Alors oui, il y aura plus de femme dans les cuisines professionnelles dans les années à venir, car la gastronomie est un métier où il faut oser. Et les femmes osent mieux que les hommes. Elles n’ont plus à s’excuser, elles sont de plus en plus décomplexées, même si je perçois encore un manque de confiance en soi qui se dissipera par des formations. Et une femme qui réussit : ce n’est pas parce qu’elle avait son mari ou son compagnon à côté, elle dispose d’abord d’un prénom avant d’un nom.

Finalement, en gastronomie, Les cheffes s’engagent avec panache dans un monde d’hommes qui ne font que de la bouffe.

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