La qualité du producteur peut-elle compenser le manque de talent ?

La qualité des produits : c’est comme le bikini, cela dévoile beaucoup mais cela cache l’essentiel.

Plus, je lis d’articles sur l’avenir de la gastronomie, plus je me rends compte que le producteur devient l’unique centre de la communication des chefs, leur inspiration, leur muse, leur 7eme symphonie : leur seul talent ?

La saisonnalité venant de France devient dictature même si le produit est meilleur ailleurs mais il a voyagé par avion !  Nous ne sommes pas loin d’avoir maintenant sur une carte de restaurant le prix du plat et son empreinte carbone… pour prouver l’engagement du professionnel.

Il faut même que chaque plat raconte son histoire ! J’ai tendu l’oreille sur ma dernière assiette dans un restaurant distingué, ce n’est pas compliqué je dois être sourd. Cependant le sens qui l’emporte est la vue, car la compétence vient maintenant essentiellement du dressage : le plat doit naturellement être instagrammable ! A l’inverse, je cherche encore la saveur et la profondeur du goût.

Puis, il y a la mouvance du concept du plat en service dinette : tu commandes un plat, on t’amène 5 assiettes d’amuse-bouche, cela provoque une sorte de partouze culinaire dans ton palais qui ne trouve plus l’essentiel : l’orgasme.

Cuisinier, c’est un métier qui demande une connaissance approfondie des techniques de préparation des produits, des taillages, des cuissons et de l’alliance des goûts, c’est un métier de haute performance sur la logistique, le sourcing, l’approvisionnement, les préparations, les astuces et solutions pour assurer un service où la délivrance des plats s’enchainent sans accro : par exemple, un bistrot aura 3 gestes pour dresser une assiette, un gastronomique peut aller jusqu’à 12 gestes.

En communication, les grands chefs passent leur temps à démocratiser : la soupe facile, la sauce tomate qui est simple…non marquer un acte précis de cuisinier ayant le goût de la haute performance n’est pas simple.

La cuisine n’est pas simple, elle relève d’une formation précise qui demande un vrai sens de l’observation, elle demande de répéter des gestes pour qu’ils deviennent parfaits, les plus avertis ont même des connaissances affinées du monde des vignerons, car leurs nectars offrent des subtilités qui développent le palais, et s’inscrivent dans une recherche de l’harmonie gustative.

Bien entendu, mon propos n’est pas de dénigrer les producteurs qui font un travail remarquable de leur côté avec leur connaissance technique et leur approche d’une agriculture ou d’élevage de plus en plus raisonnée malgré les vents contraires comme les orientations du CETA.

Je pense juste qu’il faut envisager une destruction créatrice du mode de communication : celle de penser que pour séduire demain une nouvelle génération qui se laisse guider dans ce métier, il faudrait leur expliquer la palette de savoirs extraordinaires qu’offre cette profession, et leur démontrer que le talent vient de leur propension à assembler, cuire, rôtir, mijoter, découper, colorer, marquer, clarifier, monter, contiser, identifier, déglacer, émincer, façonner, flamber, paner, sauter, snacker…

La cuisine, ce n’est pas un loisir.

Le producteur est le partenaire de la réussite d’une assiette.

Ainsi, peut-être que le talent de cuisinier, c’est maitriser le feu et le temps au service du plaisir et de la santé.

Partager ce billet

Comments are closed.