Cette semaine la rencontre avec plusieurs tables, entre autres un chef de 25 ans qui vient d’ouvrir sa maison à Lyon et un chef deux étoiles qui fête ce week-end ses 40 ans en Alsace. Et ces deux simples chiffres m’ont fait prendre conscience que ces 15 dernières années, j’ai eu la chance d’accompagner des restaurateurs et hôteliers qui étaient mes ainés et maintenant à 45 ans, j’ai la responsabilité d’éclairer des entrepreneurs plus jeunes que moi.
Je n’y avais jamais pensé jusqu’alors… après avoir élucidé la douloureuse question de savoir si je devais me rendre dans un institut pour trouver une crème anti-ride, je me suis dit que mon temps serait plus utile à me remettre à écrire des billets sur tribu avec un angle avant/après.
Ainsi, jusqu’à la fin de cette année, j’aimerais partager avec vous une série « origines et conséquences » sur les relations entre les actes et les personnages fondateurs de la cuisine ou de la restauration, pour mesurer si au cœur de notre monde contemporain, ces phénomènes perdurent de nos jours et continuent à créer de la valeur. Avant d’aborder les thèmes fondateurs de la cuisine française, matrice de la cuisine dans le monde, il est nécessaire de revenir à l’écrin qui reçoit le convive : le restaurant.
Pour comprendre d’abord le mot restaurant, il faut revenir à 1789. Car l’essor des « restaurants » fut le produit de la révolution française. Comme les français ont coupé la tête des aristocrates, et que les autres ont été ruinés, leurs cuisiniers se sont retrouvés sans emplois. Dans une grande majorité des cas, ils se sont reconvertis à Paris en créant… des restaurants !
Cependant dès 1765, il y avait des précurseurs qui avaient déjà bâti des enseignes pour accueillir différemment le convive comme Monsieur Boulanger aussi connu sous le nom de Champs D’oiseaux (rue de poulies – aujourd’hui nommée rue du Louvre). Nous passions donc de Taverne, Auberge, Relais de poste à : Restaurant. Ainsi, pour la première fois une gastronomie réservée à l’aristocratie allait devenir « la gastronomie pour tous ».
Lorsque le restaurant est né, et ce qui le différencie avec le reste des tavernes, c’est que le convive pouvait choisir l’heure de son repas, choisir sa table, composer lui-même son menu, enfin, il évoluait dans un univers de service, belle vaisselle et propreté des lieux, les premières décorations arrivaient dans les maisons.
En 1780, c’est le premier restaurant de Luxe, le Beauvilliers, rue de Richelieu, qui ouvre, tenu par un ancien officier de bouche du compte de Provence le futur Louis XVIII. Il finira en prison car les révolutionnaires le suspectaient d’être un représentant de la noblesse.
1786, s’ouvre les trois frères provençaux, en réalité, ils étaient 3 beaux-frères, il fut célèbre par sa bouillabaisse et sa brandade de Morue. Il se concentre ensuite une succession de maisons, proches du Palais Royal comme le Méot : c’est ici que l’on rédige la constitution de 1793. Ensuite, Le Boeuf à la Mode, le Rocher de Cancale, le Café Anglais, le Café Riche… C’est ensuite qu’arrive des maisons plus modeste dans les années 1860 comme Duval, un boucher qui ouvre « Bouillon »..il aura fallu plus de 100 ans pour que les français prennent l’habitude d’aller manger au restaurant.
A ce stade du billet, vous vous dîtes, « tu es bien gentil maître Capello mais où souhaites-tu en venir ?
Je raconte ces quelques faits car ce qui a différencié une taverne d’un restaurant, c’est le service, le choix..etc…
En 2018, lorsque j’échange avec des jeunes consommateurs, ils m’expliquent que par exemple Mac Donald est un restaurant : service à la place, des menus et une carte pour choisir et service à toute heure, et toujours très propre.
Ainsi, les lieux contemporains populaires offrent le même niveau de service que la restauration traditionnelle et se différencie de moins en moins.
Ce qui est visible comme élément de différenciation à l’époque entre un lieu et un autre n’est plus flagrant à notre époque.
Ainsi, une restauration traditionnelle se perd dans son positionnement et ne marque plus des bénéfices consommateurs qui invitent le client à s’y rendre plus souvent.
C’est pour aussi cela qu’il faut observer ce qu’il y a eu avant les restaurants, car un siècle avant eux sont nés les cafés, aussi le plus ingénieux fut le Procope où l’astucieux Francesco Capelli bouscula, en affichant sur les murs les nouvelles du jour, ce qui attire tous ceux qui aiment s’informer, échanger et débattre. Les plus grands intellectuels des lumières se rendaient régulièrement chez lui car il avait animé en plus de son métier d’origine des contenus.
Hormis mettre au point des recettes, garnir votre cave à vin et penser des actes de services, qu’avez-vous fait de plus pour vous rendre unique ? Qu’est-ce qui fait que chez vous, l’expérience conduit à l’émotion, quels sont les éléments de différenciation avec les fast-foods qui se définissent au final tels des restaurants, et votre lieu à vous ?
Plus notre monde avance, plus il se globalise et s’uniformise, alors que le consommateur cherche de l’authenticité et des univers uniques.
La qualité d’une assiette n’est plus une finalité, c’est un prérequis, les restaurants doivent agiter avec audace et passion leur maison. Vous êtes les nouveaux créateurs du futur mot : Restaurant.