L’hybridation du marché de la restauration, doit-il inquiéter ?

Dorénavant, « l’avis de l’expert sera combiné à l’avis de la masse » les 14 000 restaurants sélectionnés par les inspecteurs du Guide Michelin dans le monde seront présents dans les applications de Tripadvisor pour optimiser la visibilité du guide et les 4000 restaurants de France seront aussi réservables depuis le site Lafourchette. Une nouvelle plateforme en ligne « Guide Michelin » va voir le jour. Enfin, Lafourchette rafle Bookatable, des couches technologiques qui n’ont jamais réussi à véritablement fonctionner ensemble pour ne faire place sûrement qu’à une seule solution : celle de Lafourchette.

Avant de décrypter l’impact pour le restaurateur, j’ai tenté de comprendre comment un CODIR de deux sociétés concurrentes ont pu arriver à une concertation, négociation et annonce. J’en suis même arrivé à la conclusion que pour amplifier le changement au sein des entreprises, améliorer les conditions de vie, appréhender les problèmes sociétaux, créer une nouvelle chaîne de valeur, et replacer l’humain au cœur de la démarche globale : l’alliance pourrait devenir une évidence dans de nombreux secteurs.

Au sein de notre société, il faut comprendre que l’image de l’entreprise est abîmée, que la finance ressemblerait à un monde de requins, que les projets innovants ne trouvent pas leurs ressources, que les collaborateurs cherchent de meilleures inspirations, que l’entrepreneur, isolé, se pose des questions sur comment aborder un nouveau management basé sur la considération pour mieux appréhender la nouvelle génération : un parallèle de défis qui a demandé à deux entreprises de regarder avec de nouvelles perspectives.

Le Groupe Michelin, c’est 130 ans de réussite, Numéro 2 dans le monde (derrière Bridgestone), il réalise 22 milliards de chiffre d’affaires pour 2,7 milliard de résultat, c’est 6 000 chercheurs et un budget de R&D de 650 millions d’euros. Tripadvisor, c’est un petit 1,6 milliard de chiffre d’affaires. Je replace les tailles des entreprises ici, car la rumeur laisserait penser que Michelin aurait des problèmes financiers avec sa branche Edition du Guide (Michelin Travel Partners) avec 86 millions de CA, mais quand Maman fait 2,7 milliards de résultats, souvenons-nous qu’une mère a toujours des réflexes protecteurs envers sa fille surtout quand elle sait que son petit bout est cité à plus de 60 % dans la presse et qu’elles portent le même nom : Michelin. En réalité, tout type d’auditeur de cette filiale comprendrait qu’il faudrait plutôt regarder la division du guide vert et que son transfert à Media Participation, le 4eme groupe français d’édition, va lui permettre de renouer avec des résultats et d’éclaircir ses objectifs.

La croissance de Michelin Travel Partners n’était liée qu’à une vision de croissance externe et non pas la naissance d’innovation propriétaire comme dans le reste du groupe : ils auront tout essayé : un logiciel de GPS pour les voitures, de la réservation de tables en ligne, etc… rien n’a fonctionné. Je n’ai jamais compris pourquoi parmi 6 000 chercheurs, une poignée ne se sont pas mis sur le sujet : que pourrions-nous créer comme valeur au guide ? Au final le CODIR a fait place nette :  guide vert sous-traité, logiciel de réservation vendu, plateforme digitale cédée : ils vont pouvoir enfin recréer de l’innovation et descendre de leur phase « euphorique ».

Côté Lafourchette, ils ont toujours eu la bonne idée de se positionner comme un leader de préférence et pas de leader de référence, pour grandir, ils ont investi en permanence dans leur technologie sans penser à de la croissance externe et ingénieusement, ils ont émis des signaux faibles de positionnement sur la gastronomie avec les insider (une catégorie de classement de leur table) tout en captant une marque qui a échappé au Guide Michelin : « le chef étoilé », car cette appellation est presque tombée dans le domaine public. Dans de nombreuses déclarations de Lafourchette, il expliquait qu’il regroupait de nombreux « chefs étoilés » sans pour autant citer la marque Michelin, il ne sera donc plus nécessaire d’avancer masqué. Dans le futur, l’éthique de l’avis du Michelin pourra même donner un nouvel éclairage aux consommateurs à côté des avis de la masse parfois manipulée. Presque passé inaperçu, Tripadvisor a même fait une autre acquisition aux USA d’une société qui propose l’édition de menus en ligne pour aller dans l’univers du contenu pour coaguler toutes les attentes des consommateurs en une seule adresse, la boucle est bouclée.

Dans notre économie, un constat simple est à faire : nos entreprises produisent des actifs ou des services et les commercialisent souvent par des méthodes traditionnelles et d’autres nouvelles entreprises sont parties vers des modèles de place de marché grâce au digital et sont bien plus rentables sans rien produire, juste en se glissant entre le producteur et le client final : une approche multidimensionnelle et multisectorielle.

Ces entreprises sont dans une démarche perpétuelle pionnière et leur état d’esprit les force à entrer dans l’innovation permanente et dans certaines sociétés qui manquent de structure, qui s’adressent à un marché informel, avec une multiplication d’intermédiaires, il me semble comprendre que le concept Michelin-Tripadvisor est le constat de cette évolution et leur stratégie me paraît beaucoup simple que les articles alarmistes que j’ai pu lire.

Tout est basé sur un schéma global d’adjonction d’opérateurs et d’entreprises, c’est-à-dire que demain, les entreprises fonctionneront entre-elles grâce à une démarche d’hybridation de leur système, une espèce d’énorme connexion de données (API) où la philosophie du micro-paiement en fonction du besoin de service est à la destination de tous.

En réalité, ils n’ont plus peur l’un de l’autre. Ainsi, l’intégration, l’efficience, la rentabilité et la reprise de l’innovation devient une évidence.

Je n’ai pas eu ce sentiment quand Netflix a été disponible sur Canal que le consommateur final s’est senti bridé, j’ai aussi compris que le rapprochement des leaders de l’automobile a créé plus de valeurs en 10 ans que s’ils avaient continué à s’affronter, nous sommes même capables de construire des airbus avec différentes sociétés et différents pays. Ce nouveau couple Michelin-Tripadvisor n’est peut-être pas autant une menace qu’on le laisserait entendre.

Cet exemple est la naissance d’un nouveau concept de développement de notre économie : l’hybridation. J’aborderai la semaine prochaine le second volet : les conséquences pour le restaurateur et les enjeux de la marque pour les deux sociétés.

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