Alors que le gouvernement presse les professionnels de la restauration d’augmenter les salaires, que la majorité des prix des produits ont flambé avec des augmentations allant jusqu’à 20 %, que les prix de l’énergie explose, la constitution des tarifs de la carte d’automne des restaurants demande plus de finesse que par le passé et il faudra autant de vigilance sur celles de 2022 pour pérenniser les entreprises.
J’ai toujours considéré que la restauration faîte maison et de qualité en France n’est pas assez chère, plus particulièrement en province et que les prix plus élevés à Paris n’ont qu’un seul but : payer les loyers exorbitants, ce qui fait que les tarifs parisiens ne créent aucune valeur pour l’entreprise.
Comme les restaurants ne sont pas assez chers, ils font du volume et le volume demande de faire travailler plus ses collaborateurs puisque la profession a du mal à recruter, en conséquence les personnes en place s’épuisent alors qu’un juste prix permettrait au moins de réduire le volume de clients -10 % à – 15 % pour le même chiffre d’affaires.
Enfin, sur le haut de gamme, nous confondons le segment du luxe et le segment premium : le luxe, c’est rouler en Bugatti ou Rolls Royce, le haut de gamme, c’est Mercedes, DS, ou Audi, évidemment ces voitures n’ont pas le même prix. Si je cherche à faire des parallèles sur cette évidence au secteur de la gastronomie, c’est plus compliqué.
Les 2 et 3 étoiles ou 4 et 5 toques de province à 250/280 euros en moyenne sur les menus dégustations proposent au final des prestations prémium et ne sont pas sur un marché du luxe avec ce type de tarif. Je ne saurais vous expliquer pourquoi la profession tire vers le bas l’ensemble du marché, alors qu’ils sont sur le segment de la célébration donc du luxe.
En conséquence, pour compenser certaines tables proposent des prix indécents sur les vins, des prix faramineux à la bouteille d’eau là où d’autres les offrent maintenant avec les eaux filtrées sur place. Mais comme tout le monde s’observe et que personne n’ose bouger ses tarifs, la profession reste sur une rentabilité médiocre et n’a pas les moyens de partager le peu de richesse créées avec ses propres collaborateurs et collaboratrices.
Ensuite, j’ai observé une proximité des tarifs entre le bib et la première étoile. Pour mémoire, le guide Michelin annonce qu’en plus d’un critère du goût, il y a un critère de prix pour les Bib : en province le menu comprenant une entrée, un plat, un dessert doit être à 35 euros et 39 € sur Paris sur 2021.
En province, il est temps de passer à 36 ou 37 euros surtout quand des inspecteurs précisent qu’il faut un menu à choix alors que la communication du guide ne le précise pas au grand public. C’est une autre contrainte pour le restaurateur car ce n’est pas pareil de faire la mise en place pour 3 plats ou pour 6. Mais ce qui attire aussi mon attention, c’est que de nombreuses tables étoilées pratiquent le même prix le midi maintenant que les bib, finalement l’étoile devient populaire.
Alors comment passer du juste prix au meilleur prix ?
80 % des clients prennent des menus, il est nécessaire de se concentrer sur ces tarifs. La carte est toujours appréciée par le client mais obligatoirement nécessaire en fonction de votre concept, elle doit avoir des prix bien pensés en fonction des quantités.
Il faut une ouverture de la gamme cohérente, par exemple si vous avez un menu à 35/40 et le second menu à 75 ou 80 euros l’écart est trop important, il manque une offre médiane.
Sur le menu à choix, ne plus hésiter à proposer un tarif supplémentaire de + X euros (en moyenne de 5 à 10 €) qui justifie un produit haut de gamme que vous avez envie de travailler pour proposer un moyen rare au client, c’est parfaitement compris par la clientèle.
Sur les menus dégustation, je vous invite à supprimer le fromage et de le proposer uniquement en suggestion, des prix entre 8 et 20 euros peuvent être facilement acceptés par le client en fonction de votre positionnement de table, d’autant plus qu’inclus dans les menus, peu de professionnels se rendent compte de la perte que cela engendre et du temps de service nécessaire à cette prestation.
Comme dans le Yield mangement qui consiste à maximiser le chiffres d’affaires basés sur une tarification flexible, le restaurateur doit analyser la fréquentation et proposer que certains menus à la vente qu’à certains services. Par exemple, de plus en plus le menu du midi n’est pas disponible le soir pour que le ticket moyen soit plus élevé.
Attention au forfait vin, c’est effectivement pratique car le consommateur à un prix package menu + vin mais en réalité il fait souvent baisser la marge des restaurants et demande plus de gestes de services au sommelier. Les forfaits vins ne sont jamais assez chers, votre atout et de proposer de la diversité et une sélection, il est nécessaire que vous soyez récompensés au juste prix de ce travail en amont, en moyenne les forfaits vins pourraient être augmentés de 5 à 10 euros sans que le client ne soit offusqué.
Le menu carte est l’un des outils des plus efficaces : par exemple le 3 plats à 35 puis le 4 plats à 50 et le 5 plats à 65 euros ce qui fait que vous avez qu’un menu à proposer avec plusieurs séquences et le client s’oriente en fonction de son appétit et à côté de chaque plat vous pouvez même préciser le prix du plat seul.
Enfin, les menus à rallonge n’ont plus de sens, vous passez 3 heures à table vous êtes gavés et le chef prend des risques car souvent tous les plats n’ont pas le même niveau. Il ne faut arrêter de faire plus et faire mieux. Sur la gastronomie, je recommande même de supprimer un plat par menu compte tenu des offres actuelles car on oublie que l’on nous sert tout ce que l’on a pas commandé (et souvent que l’on a pas envie) comme les amuse-bouches, avant dessert, chocolat..etc.
Ensuite, il est nécessaire d’innover, vous avez bien des consommateurs qui s’abonnent à des box de vin ou maquillage, pourquoi ne pas proposer à la vente des abonnements dans vos restaurants ? 4 fois par an par exemple pour découvrir les cartes de saison, vous vous assurez un chiffres d’affaires bien étudié dans son prix et vous constituez un club de clients ambassadeurs.
Et puis si vous êtes joueurs surtout sur les restaurants aux tickets moyens entre 12 et 15 euros, osez le paiement au chapeau, c’est un mode de paiement après une prestation où le client donne ce qu’il estime devoir au fournisseur. Bien pensé, avec une belle offre et un énorme buzz dans votre ville, je pressens que ce type d’approche ferait gagner plus d’argent car le prix donné par le client sera plus élevé que le prix auquel vous auriez pensé.
Un client ne cherche pas toujours le meilleur prix, mais il est de plus en plus sensible à payer le juste prix.
En clin d’œil, je pense que vous avez reconnu sur la photo de ce billet, le saumon à l’oseille.
Crédit Photo : Patrick Rougereau