Tels des écoliers de première année, les chefs et hôteliers brandissent actuellement fièrement sur les réseaux sociaux (Facebook ou Twitter) ou sur leur site internet leurs certificats d’excellence remis par TripAdvisor. Je lisais dans la presse qu’un deux étoiles Michelin expliquait que les avis et les notes présents sur ces sites d’intermédiaires étaient primordiaux ! Le tout relayé par des journalistes et des blogueurs mal informés, en conséquence inconscients des enjeux !
Qu’on se le dise : la profession est déjà tenue en laisse par quelques acteurs dans le numérique pour l’hôtellerie, cela se profile dans la restauration. Ils vont bientôt prendre une position dominante et provoqueront votre dépendance économique.
En brandissant par exemple ces certificats, les professionnels adoptent une méthode marketing qui va du global au local, c’est-à-dire exposer des informations subtilement imposées par des marques globalisées (ils flattent votre égo). Le chef, souvent personnage public, adoube un système car sa prise de parole est forte, plus particulièrement quand il s’adresse à sa propre communauté.
Or le véritable marketing c’est d’aller du local au global, c’est-à-dire de développer ses propres enquêtes de satisfaction auprès de ses clients afin d’améliorer la qualité et de partager ensuite les succès que vous rencontrez auprès d’eux.
Le consommateur souhaite partager ses expériences avec ses contemporains alors il prend la parole dans les réseaux sociaux ou dans des sites d’avis de consommateurs globalisés parce qu’il n’a pas le choix. Trop peu de maisons proposent une alternative personnelle dédiée à leur propre marque pour récolter ces informations précieuses.
Mon propos est donc clair : je suis pour les prises de parole de la part des clients mais je m’aperçois simplement que la profession, n’étant pas prête à s’équiper elle-même de logiciel d’enquêtes de satisfaction – car il faut sortir les sous et à l’école hôtelière on ne nous a pas appris cela (compter entre 20 et 60 euros par mois) – elle préfère se faire dépouiller des coordonnées de ses propres clients.
Et je suis aussi surpris qu’aucun journaliste ne soit regardant sur la soi-disante certification « excellence » lorsque l’on connaît le problème des faux avis de consommateurs… La profession a le diplôme mais franchement quelle en est sa vraie valeur ? Son authenticité, elle vient uniquement de vous car c’est vous qui l’exposez…
Dernièrement, j’étais à la réception d’un hôtel ou le propriétaire m’expliquait qu’il était pris en étau entre les portails de réservation en ligne et les sites d’avis de consommateurs et, avec le verbe d’un gaulois en colère, il défendait âprement qu’il n’aurait bientôt plus les moyens de se développer à cause des commissions.
Je me suis permis de le couper net dans son élan pour lui faire remarquer que sur la porte vitrée de l’entrée, il y avait un autocollant d’un site d’avis de consommateurs et, posé sur la réception, un support « Booking.com » avec une note.
En vous donnant ce type de matériel de PLV (publicité sur lieu de vente), les chasseurs vous saignent jusque dans vos établissements et personne ne réagit.
Ma démarche est juste de vous encourager à mettre du webmarketing dans vos casseroles.
Vous faire prendre conscience par exemple qu’il ne faut plus de logiciel de PMS (Property Management System) mais qu’il vous faut du CRM (Customer Relationship Management). Je sais, les termes sont barbares, je veux juste vous alerter sur le glissement de vos phases d’acquisition et de fidélisation par des tiers.
Il existe de nombreuses précautions à prendre dans la mise en place d’une stratégie marketing et digitale liée à une marque. Je viens de vous alerter sur la phase de « Fidélisation », j’aimerai aussi aborder « l’Acquisition », suite à une expérience personnelle.
Pour les quelques personnes qui suivent ma page Facebook, vous avez compris que je vais au restaurant.
Dernièrement et pour la première fois, j’ai décidé de passer par le logiciel de réservation en ligne de table connectée au site officiel d’un restaurant. J’ai déjeuné au Diane de l’Hôtel Fouquet’s Barrière. J’ai pris la précaution de mettre un nouvel e-mail puis mon téléphone portable habituel. Au niveau de l’expérience de réservation tout est simple, la table est confirmée dans la seconde par sms : un service client irréprochable. L’expérience culinaire était belle, c’est une jolie table que je recommande et que j’étais ravi de partager avec deux étudiants en BTS avec qui je prolongeais justement mon débat sur le hold-up des intermédiaires en ligne suite à une conférence dans leur école.
3 semaines après, j’ai reçu pour la première fois de ma vie un e-mailing avec une sélection de restaurants concurrents adressée par le site lafourchette.com, qui gère donc les réservations privées de cet établissement.
Deux cas de figure : ou Monsieur Desseigne, pour payer le loyer des Champs-Elysées, revend par le biais d’une société tiers son fichier client de consommateurs à haute contribution, ou mon e-mail, volontairement pas connu (maintenant il l’est car je l’utilise souvent), aurait été déniché aux objets trouvés…
En tout état de cause, d’abord en qualité de consommateur, je ne peux que m’étonner d’avoir reçu cet e-mailing, et en qualité de spécialiste en marketing, je ne peux que me poser des questions sur l’organisation « Big Data » de cette société.
lafourchette.com réalise environ 15 millions d’euros par an de CA avec une légère rentabilité l’année dernière. Elle propose un service en ligne de distribution de table rémunéré à la commission sur le couvert et un cahier électronique de réservation en ligne par abonnement.
Cette société est donc sous le rachat de TripAdvisor car les business angels ont compris que la survalorisation d’une entreprise aujourd’hui ne venait pas de son RBE mais de la rapidité de sa croissance et de sa position dominante et là, leurs 8 à 10 millions d’euros en capital risque investis se transforment dans une vente d’environ 100 millions.
J’ai aussi des activités d’entrepreneur et je ne peux que me réjouir qu’un dirigeant d’entreprise ait su valoriser en moins de 10 ans son actif. Mais, d’un autre côté, TripAdvisor a-t-il acheté les 12 000 restaurants en abonnement ou les millions de data des clients à forte contribution récoltées auprès de chaque établissement dans lesquels les consommateurs pensaient avoir donné leurs coordonnées à une marque et pas à un intermédiaire. Car tout est inclus, aussi bien les réservations par téléphone que celles prises par Internet.
Je crois qu’il faut que chaque professionnel réfléchisse sur son mode d’acquisition de client. Bien entendu hormis ma propre expérience, je ne peux rien prouver de plus, je fais juste un constat et étant pour la libre concurrence, je m’interdis de demander ou de faire demander des comptes. C’est une société privée qui n’a pas à délivrer les coulisses de son organisation.
Les hôteliers ont raté leur virage numérique et ils mettent tout en œuvre pour que le deuxième soit meilleur par le biais d’organisation collaborative. Les restaurateurs sont en train de prendre le premier.
Lorsque je vois des actions comme celle de Pascal D’Anne Favre ou encore d’Hervé Sauton, qui sensibilise sur le thème « que nous reste-t-il ? » , je ne peux que vous conseiller de mieux vous informer car au final en marketing : l’élément essentiel d’un fonds de commerce : c’est sa marque et sa clientèle. Arrêtez de vous faire dépouiller de votre essentiel, gagné, lui, à la sueur de votre front.
Si mon rôle est d’être un éclaireur, c’est ensemble que l’on peut imaginer un nouvel élan.