Evolution des besoins de la clientèle, marques de référence comme Trip Advisor qui captent de la valeur et qui intègrent dans leurs modèles la distribution, guides gastronomiques qui changent ou cherchent leurs stratégies, personnel que l’on ne trouve plus à recruter dans les maisons, programmes d’apprentissage aberrants, tout laisse à penser que 2025 donnera un autre visage à la gastronomie, ce secteur appartenant pourtant à la « haute performance… »
Lorsque je tente de faire de la prospective, j’assemble des faits basés sur des observations et des échanges, pour tenter de délivrer des éclairages qui n’ont qu’un seul but : ensemble, créer de la valeur.
Cette création de valeur, il nous appartient à chacun de la définir en fonction de ses propres ambitions : il faut inventer des nouveaux modèles de croissance pour que définitivement la gastronomie reste sous le signe de l’excellence, car mon épouse et moi, ne nous rendons pas dans des maisons distinguées par des guides, mais chez des hommes et des femmes qui prônent les valeurs de l’excellence, et parce que l’excellence est au quotidien dans leur établissement : un jour, ils sont distingués.
Notre inquiétude : seront-elles aussi nombreuses dans les années à venir ?
Prenons tout d’abord l’origine : la formation et l’apprentissage, vous avez tous observé la nouvelle réforme qui conduit les professeurs maître d’hôtel à savoir enseigner la réception d’hôtel dans les nouveaux programmes… C’est comme demander à un ophtalmologue de connaitre la proctologie : personnellement dans un trou noir, je n’ai jamais rien vu… et pourtant, le secteur où les professionnels auront le plus de mal à trouver des collaborateurs dans les 10 ans à venir : la salle, est en train d’être tuée par 2, 3 technocrates qui, la dernière fois qu’ils ont vu le découpage d’un poulet c’était chez KFC en forme de manchon… Evidemment, cela n’aide pas à créer des programmes.
Ensuite vous avez l’évolution de la clientèle, aujourd’hui, elle se rend dans des maisons parce qu’en règle générale, elle a quelque chose à fêter… ouf, il nous reste les anniversaires que l’on ne peut pas changer, 50 % des couples divorcent, une tension sur notre quotidien à cause de l’instabilité géopolitique, les journaux qui à longueur de journée nous parlent de crise avec les grands prédicateurs économistes qui expliquent que c’est plié avant la fin de l’année… mais encore ouf, les hommes et les femmes sont encore amoureux, et ont besoin de communier autour d’une table et d’échanger des mots doux. En résumé, il reste les amoureux, les tables de 2 et les anniversaires, les hommes/femmes d’affaires sont déjà partis.
Il y a les guides eux-mêmes : prenons l’exemple du Guide Michelin, les mal-pensants imaginent que le Michelin se lance au Brésil par exemple pour vendre des pneus : pas vraiment, ils ont surement décidé d’avoir une ambition internationale car pour conserver le même nombre d’ambassadeurs, il faut aller dans différentes destinations : oui, le modèle d’excellence par pays sera moins important, c’est donc une anticipation. Pourquoi au final le groupe garde son activité de guide ? Parce que n’importe quel directeur de la communication rêverait de voir sa marque associée à la haute performance, l’excellence, le bon goût, dans la presse et les nouveaux médias… oui, plus facile de faire du Story Telling sur son business principal. Pour le web, la vraie question : comment le guide devient une marque disruptive et recrée de nouveau de l’émotion. Au passage, vous vous posez la question de votre distinction ou pas en 2016 ? Regardez le formulaire que vous venez de recevoir, si il est détaillé, le guide vous demande si le chef est un homme, une femme, propriétaire… etc… vous êtes alors sur le questionnaire complet…pourquoi en faire deux si ce n’est pour….
Côté Gault & Millau, il appartient à un groupe qui fait déjà partie de ces marques disruptives…
En qualité aussi d’entrepreneur, je suis admiratif de la manière dont le groupe a assuré le développement et la vente aux américains de la marque La Fourchette. C’est un moyen de renforcer les positions financières de sa structure initiale tout en pérennisant les emplois grâce à une destinée internationale. Bravo Monsieur. J’ai donc observé leur division de guide gastronomique qui a lancé leur application à la « Baladovore » : la marque matrice de l’idée. L’intérêt du projet réside dans la valorisation, non pas du Chef, mais de Mr Seguin, éleveur de chèvres à Plouennec qui recevra 5 toques pour la qualité de ses produits. Le chef ne sera alors, plus qu’un transformateur… Parmi eux, quelques Optimus Prime, qui feront partie de la génération fondatrice du goût : les sauciers et les rôtisseurs. Vous les connaissez ! Eux, n’ont pas comme livre de chevet l’escoffier, personnage qui a réussit à détruire la gastronomie en voulant la codifier.
Il y a enfin le recrutement : Comment allons-nous (tous) faire pour proposer une nouvelle expérience aux clients ?
Il faut des collaborateurs et maintenant, pour les séduire autant que les clients, il faut aussi réinventer le modèle. Car si vous réinventez le modèle, il y aura une fierté d’appartenance à votre marque. Réinventer n’est pas si compliqué : un simple merci est l’élément essentiel, des échanges quotidiens sont nécessaires, puis des réunions mensuelles permettant de présenter les perspectives de demain, inscriront chacun sur le long terme…certes je ne présente pas des astuces sur comment en avoir de nouveaux : je dis simplement pourquoi aller en chercher ailleurs ? La progression métier (ce qui ne veut pas dire la progression hiérarchique) sera une des clefs du succès.
Ma passion à titre de client est certes de me rendre dans ces maisons qui prônent la haute performance et l’excellence, à titre professionnel, j’aime rapprocher ces marques de leur propre public grâce au talent de mes propres collaborateurs. Je crois qu’il est temps que les maisons passent à l’offensive, digitale, d’expérience client, de création de valeur et je voulais partager avec vous ces quelques points d’observation.
La cuisine française n’est peut-être pas la meilleure du monde aux yeux de certains, mais nous en sommes la matrice.