Cette semaine est paru un article dans FOOD&SENS sur David Chiang intitulé : « La restauration est sur le point de faire face à une apocalypse » : Titre fracassant, curiosité aiguisée, me voilà plongé dans la lecture de ce billet ! Extrait : « Équilibres financiers fragiles, hausse constante des loyers, beaucoup de bons chefs fuient la cuisine » :
N’en jetez plus, je me connecte sur le premier site boursier et investis dans une entreprise qui fabrique des potences.
Conquérant et à l’esprit Kerviel, une fois connecté sur ce site financier assez complexe dans la lecture, je me dis que je ferais mieux de passer du temps à écrire un billet que de tenter de faire une spiel sur un marché que je connais mal… Fabriquer des potences… certes, mais dans quel bois ? Et comme un vieux dicton dit qu’un arbre peut cacher une forêt, j’aime l’idée d’effeuiller avec vous cette forêt financière pour trouver de nouvelles ressources de fonds qui s’offrent aux hôtels, restaurants, vignerons, pâtissiers, produits gourmets…
Les chefs et hôteliers me le répètent assez : « oui, les banquiers sont meilleurs pour vendre des abonnements téléphoniques et des assurances pour les maisons que pour financer les entreprises ».
Une fois que c’est dit, il faut aussi comprendre qu’un banquier dépend d’hommes ou femmes travaillant aux engagements, qui dans chacune des enseignes, est là pour mesurer le risque pris par la banque. Et, de plus en plus, ces personnages ne regardent pas le projet mais, ce que l’on appelle la structure du haut de votre bilan pour eux même perdre le moins de plumes.
Ce qui fait que dans les années à venir, les hôtels et les restaurants se développeront avec des levées de fonds et de l’equity* et moins par l’endettement traditionnel, plus particulièrement dans le monde de la gastronomie et des produits gourmets.
Demain, pour développer votre entreprise, vous passerez donc par une ouverture de votre capital où l’avantage principal réside dans la constitution rapide de ce que l’on appelle de la newmoney. Ce qui vous permettra de vous développer est cet apport, qui n’est pas à rembourser chaque mois, mais plus tard en fonction du protocole que vous aurez envisagé avec vos actionnaires appelés sleeping partners**.
Cependant, en ayant interrogé des agences spécialisées en structuration financière dans le monde de la gastronomie (pour ceux qui le souhaitent, je peux donner des contacts en message privé), ils m’expliquent que la gastronomie présente un avantage : la lovemoney***. Alors évidemment, je m’étonne : on nous aurait trompés : la finance n’est pas notre ennemi : on peut même l’aimer !
L’esprit de ces agences conseil, est de partir du principe qu’un chef, pâtissier, hôtelier, etc., par son talent peut provoquer une certaine dynamique sur son territoire et que son territoire est aussi constitué d’industriels qui peuvent avoir l’envie de contribuer, dans des sommes raisonnables, à faire vivre le développement d’un talent, et aussi par astuces fiscales, souhaiter investir des enveloppes pouvant aller de 10 à 50 000 € et s’il y en a 10, cela fait 500 000 €, et le reste du financement cherché peut alors être trouvé auprès des banques.
Imaginons que le projet soit de 1 million d’euros, 500 k€ en apport de capital, et le reste sur 7 ans à 1.5 %… Effet d’aubaine, si le business plan est tenu, à la fois votre ebitda**** est bon et vous générez un cashflow exceptionnel vous permettant d’obtenir des ratings positifs auprès des analystes : c’est comme si vous aviez 3 étoiles ou 19/20, mais décerné par la banque de France.
Quid si l’affaire capote ? L’investisseur perd alors 50 % de la réelle somme puisqu’il n’a pas donné le reste aux impôts ! Quid si cela réussit ? Le chef peut alors acheter les parts aux sleeping partners de départ avec au préalable une méthode de calcul qui a été arrêtée en début de l’opération ou bien, ce qui est mieux, remplacer par des financements en levée de fonds, grâce au capital risque pour continuer aussi à développer l’outil et le projet.
Enfin, si le chef ou le restaurateur entre dans un processus de réflexion sur sa stratégie où il développe une marque et pas seulement une enseigne gourmande, d’autres activités vont venir se greffer autour de cette notoriété sur des marchés ayant de meilleures marges.
Conclusion : je n’ai pas mis un radis sur un fabricant de potence et j’écoute la forêt pousser.
Pour vous aider :
* equity : Terme anglais qui désigne les actions de sociétés. Une equity matérialise donc les apports effectués par les actionnaires de l’entreprise à sa création ou ultérieurement lors d’augmentation de capital.
**sleeping partners : Catégorie d’investisseurs qui ne participent, ni directement ni indirectement, à la gestion et à la définition de la stratégie de l’entreprise, avec un horizon d’investissement à moyen terme et qui fait confiance à l’actionnaire majoritaire et/ou aux dirigeants de l’entreprise.
*** La love money : Constitue un moyen de financer la création d’une entreprise. Il s’agit de capitaux apportés par les amis, la famille ou les proches, pour aider un porteur de projet à lancer son entreprise et lui permettre de réaliser tous les investissements nécessaires pour démarrer et développer celui-ci.
En contrepartie de ces apports, les amis, les proches et la famille qui apportent des capitaux deviennent associés de la société créée. La love money est très généralement utilisée par des porteurs de projet qui ne souhaitent pas recourir à un prêt bancaire ou qui souhaitent, avant de demander un prêt, posséder des capitaux propres importants pour garantir auprès des financiers le sérieux de leur projet.
La love money permet aussi d’associer ses proches au lancement d’une entreprise. Les proches apporteurs peuvent bénéficier d’avantages fiscaux non négligeables. Les investissements dans les petites et moyennes entreprises donnent droit à un crédit d’impôt dont le montant varie selon le montant investi.
**** ebitda: L’EBITDA est un acronyme désignant les revenus d’une entreprise avant soustraction des intérêts, impôts (taxes), dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations.
**** Le cash flow : Représente l’ensemble des flux de liquidités générés par les activités d’une société. Pour les analystes et les créanciers, il constitue un bon moyen d’appréhender la solvabilité et la pérennité d’une entreprise. C’est également un indicateur permettant de connaître l’aptitude de l’entreprise à financer ses investissements à partir de son exploitation ou encore sa capacité à distribuer des dividendes à ses actionnaires.
La définition de l’anglicisme cash flow peut varier : pour certains, il est synonyme de capacité d’autofinancement, pour d’autres, il correspond à l’excédent brut d’exploitation (ou EBITDA). Par souci de normalisation, il est aujourd’hui majoritairement admis que le cash flow correspond au flux de trésorerie.