Cette semaine, 3 informations ont retenu mon attention :
• Le coup de gueule dans les réseaux sociaux de Nicolas Rieffel sur les personnes qui se définissent VEGAN sans réellement l’être
• L’ouverture du restaurant végétarien de Jean-Georges Vongerichten à New York en septembre
• Et enfin, la grande messe du MAD 5 Symposium qui prend le pas médiatiquement sur les tendances de la cuisine de demain sous la houlette de René Redzepi. Lui-même aurait dans ses cartons, l’idée de déplacer son restaurant Noma, au cœur d’un jardin pour ne servir que des légumes pendant la saison. (source F&S)
Ainsi, et depuis les démarches engagées par Alain Passard il y a plus de 15 ans, la nouvelle mouvance d’Alain Ducasse sur le concept de la naturalité, comprise l’année d’après par le Michelin, et l’incontestable table la plus avancée en France sur l’approche sans gluten tenue par Nadia Samut (chimiste de formation) et sa maman : il se profile sûrement un nouvel ADN sociétal venu d’une tendance.
Monsieur Loiseau me rappelait souvent que « l’on ne fait pas une cuisine pour soi mais pour les autres ». Ainsi, si l’on observe depuis les années 1900 notre approche à la nourriture et comment les cuisiniers la conçoivent, je pense que nous pouvons faire facilement des parallèles avec l’environnement de notre vie : nous, les concitoyens.
Prenons l’exemple de la cuisine au beurre et à la crème, en réalité, elle a été la plus florissante à la sortie de la guerre, les 3 grandes gueules, Dumaine, Bise et Point, en fer de lance pour développer cette cuisine riche : au final n’est-ce pas normal ?
Pendant près de 30 ans, deux générations ont vécu les disettes entre 14-18 et 39-45. Ainsi la créativité gastronomique a été une réponse à cette période lourde de privation, le beurre et la crème avaient toute leur place dans cette nouvelle époque. En fond, il est clair que les industriels se sont engouffrés dans une production à l’excès où nous en payons encore la conséquence à ce jour, il suffit de regarder l’actualité autour de Lactalis et les producteurs de lait.
Ensuite, ont suivi Chapel, Guérard, Bocuse, qui sous le déterminant manifeste de Gault & Millau ont imposé une nouvelle vision où le produit a été moins masqué, les chefs sont plus visibles comme Raymond Oliver, les années étonnantes de la starisation sont nées, les médias sont entrés dans notre quotidien, tout était « réussite & égo ». Je me souviens dans un autre registre de cette époque d’une émission de Bernard Tapie qui arrivait en Porsche, l’émission de Michel Drucker s’appelait « Star 90 », et ouf, Bernard Loiseau a rappelé qu’en cuisine « la star, c’était le produit ».
Nous sommes alors entrés dans la cuisine moléculaire, une sorte d’époque où le nucléaire avait le vent en poupe, il fallait aller dans des boîtes de nuit où les drag queen dansaient, maquillées de façon exagérée comme beaucoup d’assiettes. Je me souviens même qu’un jour dans un 3 étoiles, on m’avait servi un plat où la mouillette était une coquille de l’œuf reconstituée, alors ébahi, j’avais demandé au maître d’hôtel si c’était bien un mets qui avait frotté le cul de la poule…
Alors, de nos jours, sous cette influence végétale, la cuisine végétarienne et les cuisines aux restrictions alimentaires, sont-elles dédiées à une frange d’une population « malade » ou s’adressent-t-elles au plus grand nombre ? PS : vous n’êtes pas obligés de répondre tout de suite sur les réseaux sociaux – attendez la fin 😉
C’est justement, ceux qui pensent que c’est une cuisine pour « malade » qui sont dans une démarche anachronique.
En profondeur, un mouvement se met en place, centré sur une cuisine basée davantage sur la découverte, les produits sont moins chers et souvent nouveaux, et ils offrent plus d’originalité. Celui qui a connu le moins d’innovation en 50 ans, c’est le légume !
Mais surtout, la cuisine épouse une forme de santé, elle s’engage dans une politique destinée à préserver son environnement, et ainsi, le territoire devient ambassadeur. La nourriture permet dans certains cas de purifier son corps, de créer de nouvelles valeurs nutritionnelles protégeant la vie.
La cuisine de demain sera une cuisine de diversification et de différenciation.
L’identité du chef sera tellement reconnaissable qu’elle en deviendra cuisine remarquable, et une table qui vaut le voyage.
La cuisine a une histoire, elle sera bientôt guidée et faite par la génération qui est née dans les années 2000. Ils ont 16 ans, et dans deux ans au cœur de leur majorité, nous nous apercevrons que cette peur de manquer comme dans les périodes de guerre ne les effraie pas, mais ils se posent de nombreuses questions sur l’avenir de la planète où ils habitent.
Ils se savent plus nombreux, ils veulent vivre des expériences, se réunir en communauté, en tribu de pensée.
Votre cuisine aura alors une philosophie, une pensée, une empreinte. Chaque cuisinier deviendra plus sensible car en réalité il ne puisera plus sa créativité dans le produit, mais dans la rencontre avec son producteur.
Ainsi sans le savoir, un cuisinier c’est un acteur et le reflet de notre société.