Il y a une quinzaine de jours, L’école française de management hôtelier (EFMH) m’a demandé d’intervenir auprès des étudiants de 1ère année et de 3e année de Bachelor, l’objectif était de les sensibiliser sur l’importance de la communication au sein des métiers du tourisme et d’expliquer mon parcours. Une vingtaine d’élèves se sont connectés, seul, sans animateur pour introduire mon propos, je me suis retrouvé penaud, ne sachant comment orienter mon discours pour éclairer des personnes sans visages, devant un écran noir bardé de prénoms. Je captais naturellement aucun regard, aucun retour, aucune question, je les imaginais en train de faire autre chose ou que mes propos étaient écoutés en bruit de fond. Il n’y a rien de pire de ne pas savoir si nous avons été utile.
En tout cas cet épisode m’a permis de réfléchir sur les raisons pour lesquelles à la fois les inscriptions aux filières de la restauration ou de l’hôtellerie sont en chute libre chaque année et pour ceux qui les entament plus de 50 % changent de branche dans les toutes premières années.
Une partie des raisons de la crise du recrutement du personnel trouverait-elle son origine dès le départ des orientations, pourquoi une telle industrie qui représente près de 7 % de notre PIB est encore et toujours sans solutions ?
L’une de mes explications est que cette industrie ne reconnait pas les diplômes et pire ne les exige même plus.
Les recruteurs depuis maintenant 10 ans sont tellement en pénurie, que le premier venu pourrait faire du service, de la réception ou de la cuisine, le principal « c’est d’avoir des bras ».
Il suffit de regarder la catastrophe du Brexit en Angleterre, comme les étudiants de tout horizon allaient dans l’industrie du CHR pour apprendre la langue et pas pour faire carrière, ils se retrouvent sans personnel du fait des nouvelles lois de condition de travail de leur pays. Leur système fonctionnait non pas parce que les nouvelles générations voulaient faire carrière dans les CHR mais parce qu’elles avait besoin de maîtriser une langue et le roulement chaque année suffisait à pallier le manque de professionnels.
En France, les métiers des commis sont maintenant pris par des plongeurs reconvertis en aide de cuisine, pour assurer les préparations préliminaires. Je ne critique pas la solution car il faut répondre à une crise conjoncturelle, mais combien de dirigeants se sont posé la question de leur faire bénéficier d’une formation adulte pour un jour les voir passer chef de partie ou chef de cuisine ?
Comment voulez-vous que nous arrivions à valoriser une filière quand n’importe quel jeune sait qu’il peut se faire de l’argent de poche dans un restaurant sans pour autant qu’il ait besoin d’aller étudier dans une école hôtelière ?
Sans le savoir, en recrutant des personnes pas ou peu intéressées par cette profession, nous banalisons ceux qui épousent cette filière avec passion, pire nous dévalorisons leurs diplômes par rapport aux autres, puisque cette industrie a décidé de dire : tout le monde peut faire ce métier.
L’image de cette profession est écornée et ce n’est pas une émission de cuisine ou de pâtisserie à la télévision déconnectée de la réalité des conditions de cette industrie qui réglera cela, pire elles ont provoqué un autre phénomène : à peine 20 % des jeunes apprenants souhaitent faire des métiers de salle au profit de ceux de la cuisine et de la pâtisserie.
Enfin, Il faut aussi que l’on arrête de me dire que la profession ne fait pas d’efforts et que les patrons sont des Thénardiers. Je vois des annonces avec 3 jours de congés consécutifs, des établissement fermés en août, des restaurants dans les grandes villes fermés le week-end, des solutions à travers des journées continues sans coupures, et des salaires plus importants qu’avant. En réalité, les améliorations des conditions de travail sont permanentes et de plus en plus nombreuses.
Alors pour redorer le blason de cette profession souvent décrite comme voie de garage, cette industrie doit, en partenariat avec les écoles, réfléchir à comment valoriser les nouvelles générations diplômées et même protéger l’accès à ces métiers dans quelques années, la formation en alternance étant peut-être la meilleure piste.