C’est en voyant passer l’information sur la nomination de Norbert Tarayre au Prince de Galles que m’est venue cette réflexion. Nous pouvons d’abord être tous très heureux de cette nouvelle et lui souhaitons tous nos vœux de réussite dans ce nouveau challenge à lui et ses équipes.
Cependant au contraire de son homologue du Plaza Athénée, Norbert est défini dans wikipedia comme « cuisinier, animateur télé» et a la particularité d’être entré dans le foyer des Français avec une multitude d’émissions rafraichissantes à grande écoute pour le grand public.
Alors que de l’autre côté, des personnes rêvent de leur selfie de relation numérique avec Jean Imbert, les Français sont proches émotionnellement et physiquement de Norbert.
La question est donc simple : si je vais manger au Prince de Galles, est ce que la tête du chef est encore dans l’addition ?
Ce phénomène est par exemple très ancré dans la restauration gastronomique, ce qui est étonnant, c’est qu’un client considère qu’il va mieux manger lorsqu’il a vu le chef du restaurant et qu’il a même excellemment mangé lorsqu’il a échangé quelques mots avec lui.
La magie humaine (et la malice) était même celle de Monsieur Paul qui saluait le convive directement à l’arrivée et à la porte du restaurant : le client était déjà conquis sans avoir levé la moindre fourchette !
Ainsi on constate deux tendances qui se dessinent dans l’avenir des restaurants où les clients dépensent : les restaurants personnalisés et les restaurants festifs éphémères.
Vous me direz « eh dis donc Rémi » : et la cuisine ?
Il ne faut pas se leurrer, dans les Palaces où les lieux en vogue, les propriétaires recherchent des directeurs artistiques, pas uniquement des talents de cuisinier. De toute façon en cuisine, le talent n’existe pas, seul le travail compte. Et l’idée de rapport qualité prix porté par le Prince de Galles a beaucoup de sens.
Dans cette promesse de restauration, je comprends que c’est une idée de « gastronomie pour tous » et c’est ce qui est séduisant, avec des plats réconfortants à un prix accessible. J’emploie volontairement le mot gastronomie, car je pense qu’en la réservant à une élite de table, nous oublions qu’elle peut être présente partout à l’aide d’une cuisine de saison, de produits et de savoir-faire. La moindre adresse peut-donc se saisir de cette idée de recherche d’excellence pour que notre pays dispose du plus grand nombre d’adresses où l’on mange bien.
Dans la promesse du Plaza Athénée, on mange très bien côté brasserie et côté gastronomique, c’est le service en salle qui avec brio compense l’assiette. Finalement la promesse client devient maintenant différente car l’esprit du Palace a pour idée de « faire des collab » Suite Dior, Cinéma sur la terrasse, etc…or installer une expérience au sein d’une marque forte demande du temps et de définir des grandes lignes de force et pas seulement des évènements. Cependant, c’est être aussi dans l’ère du temps : vivre le temps d’une story.
Dans tous les cas, je comprends que la cuisine n’est pas meilleure quand le chef est là ou pas là, nous pourrions citer encore une fois Monsieur Paul qui savait répondre aux journalistes : « Qui fait la cuisine quand vous n’êtes pas là » : « les mêmes que quand je suis là ».
Je glisse ici qu’un client qui fait parfois des centaines de kilomètres, a imaginé une expérience qu’il va vivre avec le chef à travers la presse ou son compte Instagram, ne la savoure réellement que quand il est présent : le client a toujours de meilleurs souvenirs à partager avec ses proches et ses amis.
Des chefs ont réussi à installer une cuisine dans le monde entier sans être présents : Messieurs Ducasse, Boulud, Robuchon, Vongerichten, Savoy, Gagnaire, Alleno…. Mais en observant leurs prises de parole, ils ont installé un courant, une pensée, une vision, pas un concept : finalement pour n’être personne d’autre qu’eux même.
Finalement un client en gastronomie (pour tous), personne n’est là pour le nourrir, mais juste le rendre heureux.