Hypers connectés, les chefs observent les tendances de la gastronomie en France et à l’international grâce à leurs confrères qui publient les photos de leurs plats extraits de leur nouvelle carte. En conséquence, depuis 5 ans la cuisine se métamorphose et n’a jamais été aussi graphique, spectaculaire, à s’en faire une entorse de l’œil tellement les plats sont soignés dans leur présentation, mais sont-ils pour autant bons ?
Les réseaux sociaux contribuent sûrement à révéler le côté « directeur artistique » du cuisinier, ils sont, selon moi, l’une des origines qui a autant poussé le graphisme d’une assiette qui est aujourd’hui de haute voltige. Avant, nous attendions patiemment la sortie du Thuries, ou encore de YAM, 3 étoiles, ou dernièrement de l’excellent 180°C pour s’imprégner des tendances. A l’instar de la mode, à l’époque, c’est ce qui permettait de composer un « mood board culinaire » pour comprendre l’évolution de ses contemporains.
De nombreux chefs en quête de leur « cooking out » ont maintenant à leur disposition, facebook, Twitter et Instagram. Dans ce billet, je ne confonds pas la publication des photos des clients qui sont pour moi un véritable levier numérique de notoriété où le client internaute se transforme en ambassadeur de la marque, et les photos publiées par les chefs eux même, qui elles sont des vitrines d’un savoir-faire dont l’objectif est de donner envie de venir partager une expérience au sein de l’établissement.
Observant maintenant depuis 20 ans l’évolution de la cuisine, je me demande si la meilleure cuisine en réalité n’est pas moche : Le saumon à l’oseille, c’est moche. Les crêpes Vonnassiennes, c’est moche. La pêche Haerberlin, c’est moche. Le filet de loup au caviar : c’est moche. La feuillantine de langoustines aux graines de sésame et sauce curry, c’est moche. L’Oreiller Moelleux de Mousserons et de Morilles aux Pointes d’Asperge, c’est moche. La soupe d’artichaut, c’est moche. Mais mille milliards de milles sabord, qu’est-ce que c’est bon !
Evidemment, je grossis le trait avec une point d’ironie et d’humour… Mais si demain, une partie de votre carte n’a pas le meilleur des graphismes, c’est aussi parce que vous êtes proche de la vérité, libéré de toute influence.
Edouard Baumann
Cher M.Ohayon,
Je me permets de rebondir sur votre billet qui a le mérite de traiter d’un sujet très intéressant. Malheureusement vous semblez commettre une énorme erreur d’appréciation en opposant le bon et le beau…Comme si l’un ne pouvait pas aller avec l’autre. Or c’est précisément le défi des chefs modernes que de concilier ses deux facettes de la cuisine! Alors que jadis c’était le bon qui prenait le pas sur le beau, la tendance s’inverse fortement du fait des réseaux sociaux… Et pour cause, aujourd’hui les gens regardent plus les plats qu’ils ne les consomment!
Un grand plat sait donc conjuguer, en parfait équilibre, le bon et le beau! C’est le cas des plats moches que vous citez… Des plats de légende qui n’auraient pas traversé les années si ils n’avaient été que beaux ou que bons… C’est en ça que votre analyse me semble faussée…
J’espère que vous approfondirez le sujet lors d’un prochain billet!
Remi Ohayon
Cher Edouard, merci pour votre point de vue ! Dans mon billet je tente de mettre en lumière quelques pistes comme : est ce que l’inspiration ne vient elle pas plus du voisin visible sur les réseaux et de moins en moins des rencontres avec les producteurs ou encore est ce que le graphisme culinaire qui demande une moyenne de 30 à 40 gestes sur une assiette répartie dans la préparation que dans le dressage..est ce si utile et possible dans un paysage de ressources humaines compliqués ?…vous avez raison, je n’ai pas assez souligné le trait d’humour « c’est moche » à tendance provocateur pour les plats cités, pour mémoire j’indique dans mon billet « Evidemment, je grossis le trait avec une point d’ironie et d’humour ».. Je ne sais pas si la citation : « c’est trop beau pour être vrai » s’applique aussi à cette réflexion de création culinaire et tout cas je suis ravi de partager avec vous ! belle journée