Faire naître une idée collaborative suite à une initiative personnelle n’est jamais chose simple et je suis sincèrement admiratif de l’élan donné par Gilles Cibert pour le réseau Fairbooking.
J’ai déjà eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises. Ensemble, nous avons pris la parole devant différentes assemblées d’hôteliers afin de les sensibiliser sur les solutions qui existent pour éviter de ne pas seulement dépendre que de quelques grands portails de réservation en ligne.
A chaque fois, notre mécanique était bien huilée, j’ouvre en distribuant des informations basées sur diverses enquêtes et l’ouvrage « Addiction, le hold-up des intermédiaires en ligne », je délivre mon analyse sur l’évolution du comportement des consommateurs puis il présente la solution Fairbooking.
A la fin de la présentation, je rappelle que le véritable pouvoir, c’est la marque des hôtels et que demain, de nouvelles places de marché permettront d’encore mieux les exposer, grâce aux réseaux sociaux par exemple ou aux applications mobiles.
Mon message est simple : Oui, des solutions alternatives existent, elles sont complémentaires, collaboratives, passent par de nouvelles places de marché (marketplaces), du webmarketing etc. Et l’objectif de ces assemblées est de permettre au professionnel de repartir avec une « boite à astuces » qui lui assure un avenir moins dépendant d’un ou deux acteurs dominants.
Un trio (trop) bien organisé
J’ai constaté cependant qu’à côté de cette approche en direct auprès d’un public professionnel, une autre organisation s’était mise en place pour faire la promotion de Fairbooking. Il s’agit d’un trio : TendanceHôtellerie, ReservationEnDirect et naturellement Fairbooking.
TendanceHôtellerie est un blog, à l’initiative de Guilain Denisselle, un ancien d’Availpro, où l’on retrouve de nombreux billets sur les nouvelles technologies du web pour l’hôtellerie, des publireportages parfaitement indiqués comme tels et un site d’annonces d’emplois.
RéservationEnDirect est l’association qui gère les adhésions des hôteliers au réseau Fairbooking.
Les actions menées récemment par le gouvernement à l’encontre des portails de distribution en ligne et la présentation de Fairbooking dans certains médias ont enclenché une véritable logique systématique de reporting au sein de ce trio. La ligne éditoriale est claire : relayer toute dénonciation dans la presse des grands méchants distributeurs et ne mettre la lumière que sur une seule alternative : Fairbooking.
Et le système est bien organisé : Guilain Denisselle, aux commandes de l’écriture dans TendanceHotellerie, ReservationEnDirect, le porte-voix, le partage sur Facebook et vient sensibiliser ses adhérents en prenant soin de mettre en avant un extrait choisi de l’article en question.
Un intermédiaire très présent
Je ne veux pas revenir sur la liberté d’expression de TendanceHotellerie. En étant devenu simplement l’outil de promotion de Fairbooking, en niant toute autre information à partager aux professionnels, le sens de TendanceHotellerie me paraît se perdre au risque de nuire à ce formidable élan initial et au final peut-être de le rendre « mort-né » par l’obsession de la pensée unique.
Et je me pose la question de comprendre pourquoi les administrateurs de RéservationEnDirect ont besoin de reprendre systématiquement les billets d’un communicant au lieu de passer eux-mêmes leurs messages…
Une certaine confusion dans les messages
Il y a ensuite les infographies communiquées par Fairbooking. Ici, on positionne Fairbooking au milieu des groupes hôteliers. Ce mouvement ressemble donc à une concurrence affichée avec les chaînes hôtelières. Est-ce bien le message originel de venir se comparer au groupe Logis ou Accor si l’on se prétend une alternative ?
Et si Fairbooking revenait à sa vocation d’origine…
Lors de mes rencontres avec certaines personnes aux commandes de Fairbooking, j’ai eu aussi l’occasion de discuter, d’échanger, de partager des idées. Je m’étais permis de leur recommander, il y a quelques temps, de lancer plutôt une sorte de carte de fidélité pour remercier les clients qui réservent en direct. Ainsi, il ne s’agissait pas de se mettre sur le même terrain que celui des grands portails mais de toujours mieux identifier ses clients, dans la logique du Big Data.
Le formulaire de réservation en ligne, installé sur le site officiel de l’hôtel, aurait un espace où indiquer son numéro de carte Fairbooking. En contrepartie, le client profiterait d’avantages pour le remercier d’avoir fait l’effort de réserver en direct.
Il me semblait que l’idée pouvait aller loin dans l’esprit d’économie collaborative que j’avais compris de Fairbooking. Il y avait même moyen ensuite de se rapprocher de chaînes indépendantes, voire même de groupes comme Accor, Hilton etc (plutôt que de les voir comme des concurrents).
Imaginez, à chaque fois qu’un internaute réserve sur le site officiel d’un hôtel, il récolte des points et bénéficie de petits privilèges. Ne serait-ce pas une idée réellement attractive pour contrer les plateformes intermédiaires ?
Une certaine perte de valeurs
Mais bien sûr, pour mettre en place une telle idée, il faut une réelle volonté de collaboration, un élan « citoyen-entrepreneur » et pas seulement ne chercher qu’une logique de projet économique. Quand on regarde le plan de communication de Fairbooking aujourd’hui, centré sur l’intérêt et avec cette tendance à marteler qu’il n’y a qu’une seule solution, la leur, on comprend que certaines valeurs ont déjà perdu la bataille…
Mon engagement : toujours mieux vous informer et continuer à vous défendre
Le fonds de commerce d’un hôtelier ou d’un restaurateur, c’est sa marque et sa clientèle. Fairbooking est assurément une belle idée et j’encourage toute maison à y adhérer. Pour autant, je ne crois pas que cela constitue LA seule et unique solution pour que la marque des hôteliers ne soit plus dépendante de quelques acteurs. Pour cette raison et pour éviter cette orientation à vouloir convaincre la profession en lui fermant les yeux sur la totalité des possibilités, je prendrais la parole encore, et plus fort, pour continuer à défendre qu’un chef d’entreprise à la tête d’un hôtel ou d’un restaurant doit s’ouvrir à plusieurs options pour équilibrer ses ventes.
Gilles Cibert
Merci Rémi Ohayon de votre soutien renouvelé au mouvement FairBooking. En effet nous sommes retrouvés à de nombreuses reprises dans des interventions. Nous partageons vos analyses de la situation de dépendance inquiétante dans laquelle se trouvent les hôteliers et comme vous, nous avons décidé de ne pas accepter la fatalité. Cela dit votre article m’interpelle et je voudrais vous rassurer : rien de ce que vous questionnez n’est le fruit d’une volonté délibéré de notre part.
Voici si nécessaire des éléments de clarification :
– Le mouvement FairBooking propose aux consommateurs une alternative plus équitable aux grandes centrales de réservation en ligne.
– Il s’adresse en priorité aux consommateurs que nous informons sur les dessous des grandes centrales de réservation en ligne, les conséquences de leur utilisation sur l’économie touristique locale et les invite à réserver en direct.
– Ce mouvement est porté par Réservation en direct, une association de la loi de 1901 d’hébergeurs touristiques, dont la vocation est de favoriser la réservation en direct et aider ses adhérents à adopter de bonnes pratiques.
– L’association se fait aider par plusieurs experts en Yield Management, e-tourisme, avis clients,… de façon à proposer les meilleures approches à leurs adhérents.
– Ce mouvement est parti de la base des hôteliers et fait l’objet du soutien de l’ensemble des syndicats hôteliers, des chambres de commerce et d’industries, du ministère du tourisme,…
Il n’existe aucune stratégie d’hégémonie de la part de FairBooking / Réservation en direct bien au contraire. Les commentaires postés sur les pages Facebook n’engagent que leurs auteurs. Les établissements traversent une année difficile et ils s’expriment parfois de façon assez directe.
Quant à la relation de FairBooking / Réservation en Direct et Tendance Hôtellerie (blog) il n’y a aucune connivence particulière. Le blog a sa ligne éditoriale complètement indépendante. Rien n’empêche quiconque de venir poster
des informations sur notre page Facebook. Il n’y a aucune censure, c’est la
liberté d’expression. Nous relayons toutes sortes d’articles issus de diverses
sources comme l’Echo Touristique, Tourmag, France5, Les Echos,…
Sur le point particulier du positionnement de FairBooking par rapport aux chaînes hôtelières : le facteur clef de succès pour FairBooking est de rassembler l’offre d’hébergement la plus large possible en France comme à l’étranger. Aussi accueillons-nous à bras ouverts tout groupement d’hébergeurs. Nous avons eu de nombreux contacts avec les responsables de ces chaines/groupements. Certains nous ont déjà rejoints comme les Fasthotel, les autres attendent sans doute que nous ayons fait un peu plus nos preuves. La prochaine version de notre site internet mettra en avant l’appartenance des établissements à leur chaine ou groupement. Le graphique de comparaison avec les chaines visait juste à donner une idée du poids relatif de FairBooking et ainsi montrer la dynamique du mouvement. Les chaines n’ont rien à craindre de FairBooking et elles auront à gagner une visibilité supplémentaire de leurs établissements.
Enfin nous sommes favorables aux initiatives qui visent à redonner de l’indépendance et de la visibilité aux établissements et les actions que vous menez nous paraissent aller dans le bon sens.
En espérant que ces précisions lèveront toute ambiguïté. Pour nous tout ce qui divise les hébergeurs touristiques fait le jeu des centrales de réservation en ligne alors unissons nos efforts pour que l’économie touristique locale reprenne des couleurs et ait les moyens d’être à la hauteur des enjeux de demain.
Beer Bergman
Merci pour ce point de vue. Je pense qu’on voit les mêmes logiques – inévitables ? – avec des initiatives semblables sur le fond (prise en main d’une économie par les prestataires et individuels) : airbnb, greeters, wimdu, … Créées à la marge d’une industrie, d’une économie, toute initiative est vouée à se professionnaliser et du coup, à bouger vers le centre – ce qui créé de l’espace pour de nouvelles initiatives à la périphérie. On l’a vu avec les chambres d’hôtes (autrefois une tendance comme aujourd’hui airbnb : le contact avec l’hôte dans sa maison et son univers) qui aujourd’hui sont devenues des prestations hôtelières. D’ailleurs, les petits hôtels et les pensions de famille à la base… étaient souvent le fruit des initiatives de femmes d’artisans dans de petites villes : l’accueil chez l’hôte dans sa maison et son univers… Comme quoi.
Revenant sur l’idéologie prépondérante : ce que vous notez par rapport à Fairbooking est en train de se passer avec Uber et Airbnb : des logiques économique prennent le dessus et changent le ton, même si c’est peu audible dans un premier temps. A la base, on « vit » l’idéologie du début, mais pour combien de temps encore ? N’est-ce pas une évolution inévitable, celle-ci aussi ?