Le 1 septembre, la société Michelin a annoncé prendre 40 % de participation du guide du Fooding. Le Fooding, c’est avant tout une marque, née en 2000, elle organise des évènements gastronomiques et conçoit un guide de bonnes tables. Sa valeur fondatrice : « une envie d’en découdre avec une certaine idée du bon goût unique [et] d’ouvrir une voie plus libertaire dans l’univers de la gastronomie ».
Sur les réseaux sociaux, il est étonnant de lire une grande majorité de commentaires où il en ressort une lecture ou plutôt un sentiment : « les actionnaires du Fooding ont vendu leur âme au diable. »
A la première lecture, on associe Guide Michelin et Guide Fooding, hors le Guide Michelin est une activité de Michelin, et le guide n’est pas son cœur de métier. La firme a une stratégie assez claire de son développement avec 4 axes : le pneu, les services autour du pneu, l’expérience client et la mobilité, et enfin le recyclage des matériaux.
Ainsi, depuis que la feuille de route et les moyens ont été donnés, une succession de rachats s’engage, venant à assurer ce que l’on appelle de la croissance externe.
Booktable, Fooding, Parker : c’est la stratégie qui touche à l’expérience client. Pour Michelin, je pense que la stratégie n’est pas de poser le Guide Michelin comme la marque ombrelle de nouvelles activités, mais d’envisager que demain, la plateforme de marque permette de regagner le cœur du consommateur par des actions coordonnées et novatrices.
Car oui, le guide Michelin a le pouvoir de la joie… mais surtout pour les restaurateurs et les chefs, et pas assez pour les lecteurs du guide, qui eux sont les consommateurs.
D’un autre côté, un acteur mondial a pris un essor colossal depuis 10 ans : Tripadvisor. Et pour le moment, dans l’esprit des nouveaux consommateurs, ce sont eux les leaders de l’expérience client et de la mobilité.
Tripadvisor (propriétaire aussi de lafourchette) va même jusqu’à faire un pied de nez le 2 octobre 2017, en organisant une manifestation « The Table Talk » où naturellement tous les influenceurs ou acteurs de la gastronomie ont répondu présent, en qualité d’expert. (visibilité quand tu nous tiens…)
L’une des tables rondes est « la guerre des étoiles : tout mettre en œuvre pour gagner le Graal ». En d’autres mots, Tripadvisor qui ne croit qu’en l’avis de la masse et, sans contrôle, ose avec audace mettre en avant au cœur de son évènement le symbole de l’étoile qui appartient au guide de l’expert… cela laisserait même penser que si cette table ronde n’avait pas eu lieu, il y aurait eu moins de participants…
Je suivrai avec attention sur les réseaux sociaux les avis des uns et des autres… Le but final de l’opération globale, pour Tripadvisor, étant quand même de se refaire une meilleure réputation auprès des restaurateurs en utilisant tous les influenceurs, journalistes, rp, parfaitement identifiés de la planète food, pour qu’ils portent la bonne parole afin de ne plus apparaitre comme la poubelle du web.
Car oui, le guide Michelin fait vibrer le cœur des chefs, et en parallèle le guide Tripadvisor emporte le cœur de la jeune génération.
Lorsque vous êtes le leader de référence comme Michelin, souvent, vous avez des moyens.
Ce qui va être le plus duifficile à engager maintenant, c’est la mise en œuvre de la création de valeur. A la direction de Michelin FOOD and TRAVEL, Alexandre Taisne, qui a pendant 4 ans œuvré chez Groupon, aura la mission de coordonner les actions qui feront que dans moins de 2 ans, la génération X, Y Z (je sais plus laquelle tellement on tente toujours de classer les humains…) consultera peut-être Tripadvisor pour trouver, mais s’assurera d’aller ensuite sur Michelin pour être certain de réussir son expérience. Car, le Guide Michelin est, et restera, la marque de confiance des chefs.
Ainsi, le rachat du Fooding est anecdotique car il devra faire partie d’une stratégie d’ensemble. Etant aussi entrepreneur, je ne peux que féliciter et encourager les deux parties, car si elles arrivent à créer ensemble avec audace des nouveaux services aux consommateurs, et ainsi mettre en lumière les talents qui animent les maisons où j’aime me rendre : j’en suis ravi. Ce n’est pas l’actionnariat qui compte, c’est le projet.
Au cœur du projet, l’activité « Guide Michelin » aura toujours plus de valeur, car elle dispose du nom Michelin au cœur de son appellation, profitable aux 3 autres activités du groupe en termes de notoriété. Concrètement, quand on cite la marque Goodyear, moi je pense pneu et fermeture d’usine et grèves, et quand on cite Michelin spontanément le grand public pense pneu et grands chefs, l’association d’une certaine idée de l’excellence. (Même si j’imagine que Michelin a aussi pris des décisions industrielles parfois douloureuses…).
Il faut comprendre que la marque Michelin est citée à 60 % dans la presse grâce aux chefs, les premiers et meilleurs ambassadeurs de la marque… aussi, je ne pense pas que dans les années à venir, dans la bio d’un chef sera noté «le fameux chef qui a un badge excellence tripadvisor ».
Dans une économie de marché en mouvement, il ne doit jamais y en avoir qu’un. Tripadvisor met tout en œuvre pour gagner la place du leader de la table car ils sont déjà l’avis leader de l’hôtellerie, noyautée à Booking en termes de revenu.
Mais leur service reste un avis de masse, qui donne une tendance mais pas la certitude de passer une belle expérience vérifiée par un expert.
Cependant, le Guide Michelin doit redéfinir dans son livre de marque qu’est-ce que la notion de confiance, pour mieux la faire connaître auprès du plus grand nombre. L’étoile est connue, le bib perce, et l’assiette ne veut toujours rien dire. Elle permet juste de faire la différence entre les établissements de la sélection, et les tables qui payent pour être présentes. Et sur la mobilité, il serait temps d’investir un peu plus…
En réalité Michelin et Tripadvisor, c’est presque notre monde de demain, d’un côté celui de l’expertise et de l’autre celui de la masse. A vous de décider qui sera votre « Jedi » et le futur de la force.
Sarika Entre
Merci pour cet article très bien rédigé.