La gastronomie : une économie à haute fréquence ?

Alors que la plupart des établissements en province préparent leur saison, de nombreuses questions se posent pour donner de l’attractivité au secteur et trouver des avantages pour attirer ou fidéliser des équipes.

Certains proposent de fermer tous les midis et les week-ends comme maintenant des tables renommées comme Jérôme Banctel ou d’autres comme Christian Lesquer ouvert uniquement le soir du mardi au samedi.
En province de nombreuses maisons sont maintenant fermées lundi, mardi et mercredi et rouvrent pour le service du mercredi soir ou du jeudi midi.

Contraints, de nombreux chefs d’entreprise visent la haute fréquence : c’est-à-dire de faire plus de clients par service en seulement quelques services.

Sur le fond, pour ceux qui ont déjà commencé, ils observent des équipes mieux reposées donc plus disponibles car couper 3 jours où ne travailler qu’un service change la donne, de plus le respect des horaires s’inscrit dans cette démarche.

J’observe aussi des chefs de cuisine, responsables de salle ou chefs d’entreprise, plus reposés car nous analysons souvent les équipes mais les dirigeants et managers bénéficient aussi de cette démarche.

Plus reposés, c’est moins de stress et une nouvelle ambiance au travail. Cependant de nombreux témoignent sur une nouvelle organisation à anticiper, par exemple des équipes travaillent en journée continue sans faire les services car la logistique de livraison des produits et la préparation d’une cuisine faite maison, ne peut pas toujours se faire à la dernière minute.

Sur la forme, de nombreuses maisons ont pris la décision de faire plus de couverts par service, alors que la tendance avant la crise sanitaire sur le haut de gamme était de limiter le nombre de couverts.

J’observe des capacités d’accueil de +15 à + 20 % par service : à un moment, il faut bien aussi pouvoir payer les charges fixes et offrir des places aux clients. Enfin, il y a une nette augmentation des prix dans la majorité des restaurants, conditionnée par cette limitation de nombre de services, mais pas seulement : l’augmentation des matières premières en moyenne de +20 % et de charges d’énergie en moyenne de +4 % ont convaincu de nombreuses maisons à réaliser des augmentations de prix sur le haut de gamme allant de + 15 à + 30 % sur le menu pour certaines maisons et de +5 à +10 % sur les vins. En réalité des offres qui deviennent au juste prix.

Le phénomène des menus fixes sans carte s’amplifie et demande plus de créativité de la part des chefs pour proposer des nouveautés tous les 15 jours parfois au détriment de la régularité. Les cartes des restaurants sont de moins en moins marquées par des sorties officielles ; en moyenne 50 % des plats restent et 50 % évoluent à un rythme de 2 à 3 mois. Pour répondre aux produits de saison, l’élément principal, la technique, la sauce reste, et les garnitures évoluent en fonction de la disponibilité des producteurs. La haute fréquence, c’est donc aussi adapter des recettes du jour au lendemain en fonction de dame nature.

Allons nous revenir à des années 90 où de nombreuses grandes tables faisaient entre 80 et 110 couverts à certains services ?
Est-ce que les guides gastronomiques toujours influents dans ce microcosme de 3000 restaurants en France vont prendre en compte l’évolution du marché pour adapter leurs distinctions ?
Est-ce que travailler en haute -fréquence va suffire pour trouver un équilibre entre ressources humaines et rentabilité ?

Et le client dans tout cela, il en pense quoi, conditionnés par ces contraintes, ne l’aurions-nous pas un peu oublié ?

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