Dernier volet des billets sur la crise des ressources humaines en hôtellerie-restauration, ce dernier sera consacré à la mutation.
Nous pouvons supputer que dans les 10 années à venir et dans tous secteurs confondus :
- 60 % des emplois vont disparaitre, (à quoi sert un banquier dans un centre-ville versus les applications ou les solutions de call-center ?etc…)
- 40 % seront remplacés par de l’intelligence artificielle (Bigdata, assistance par ordinateur. Comment réservez-vous un taxi ou une voiture privée… de moins en moins par un téléopérateur…etc.)
- 20 % seront des nouveaux emplois. (plus particulièrement au service des familles ou des personnes dépendantes et au cœur de l’entreprise, des postes de community manager auront remplacé les attachés de presse…etc.).Mais au cœur des CHR, comment pouvons-nous envisager les mutations ?
1 – Le prochain cuisinier sera jardinier.
Une nouvelle étape risque de se greffer dans la ligne de production des restaurants, celle de « producteur » et plus particulièrement sur les légumes. Le consommateur recherche avec intérêt une culture bio, locale et de saison : au final garantir sa production, c’est l’assurer soi-même : il y a aura bien des jardiniers dans les brigades des cuisiniers.
2 –La revalorisation des postes d’équipier.
En salle ou en cuisine, ces postes qui assuraient dans les palaces de l’époque des rangements, de l’assistance à de l’organisation, de préparations préliminaires ont disparu car la crise passée par là, les professionnels ont élargi leurs missions. Cependant comme le marché de l’emploi ne permet plus de recruter des professionnels car ils sont rares, il faut repenser leurs fiches de poste, les employer sur l’essentiel et délester l’important sur les équipiers.
3 – Le Maître d’hôtel sera Community Manager.
Trop concentré sur l’expérience client et jamais sur le parcours client, ce métier va évoluer vers des animations de contenus pour faire venir aussi le client dans les maisons, du simple e-mailing à la mise à jour de contenu dans des sites partenaires ou officiels, à l’animation des réseaux sociaux, il va devenir une pièce maitresse dans l’animation d’une marque car un consommateur devient client, puis un client devient ambassadeur, ainsi des prises de conscience vont se faire pour tisser une relation d’attitude et de service plus longue : Avant, pendant et après l’expérience.
4 – Le cuisinier puisera dans l’organisation des traiteurs
Mise en place de journée continue où certains n’assureront que les préparations et d’autres qui ne seront qu’au service, les équipes risquent de se scinder dans les années à venir. Certains emplois comme les sauciers n’existent plus depuis longtemps et les industriels prennent conscience que l’amélioration des fonds est encore nécessaire : l’industrie va encore augmenter son niveau d’exigence qualité, consciente qu’elle ne peut plus se permettre des crises alimentaires. Pour les restaurateurs voulant rester transformateur du produit du début à la fin, les traiteurs seront les exemples : ils ont un sens de l’organisation, de la prévision et des équipements qui conduisent vers une stratégie de cuisine centralisée et de cuisine d’envoi. Il est fort probable que les lieux de production deviennent communs pour des maisons, y compris concurrentes sur le papier mais pour lesquelles le partage des ressources sera une des solutions.
5 – La profession parlera en anglais voire en espagnol au cœur de ces journées.
Les managers français en cuisine et en salle auront recours à des travailleurs venus de différents pays, ainsi les langues étrangères deviendront une base d’échange au cœur de l’entreprise. Aussi dans cet environnement devenu international, des métiers en communication interne vont naître, surement rattachés aux ressources humaines qui dépasseront le service de la paie ou encore le cadre législatif pour réfléchir aux solutions pour fidéliser les équipes et leur offrir une progression de carrière au sein d’une même enseigne.
6 – Les modes de consommation vont continuer d’évoluer.
Les clients mangeront de moins en moins aux horaires fixent et souhaiteront tout et tout de suite, y compris en livraison. Ainsi, un restaurant qui ouvre va plus réfléchir sur des dates clefs aux plats à emporter, des offres à l’année où il sera possible de déjeuner puis de commander en même temps à emporter son plat du soir par exemple, des emplois de logisticien au service des clients seront à imaginer. Enfin, le service petit-déjeuner sera une nouvelle source de chiffre d’affaires dans les restaurants des grandes villes. Les plats de partage seront aussi favorisés pour diminuer des temps de dressage, servir plus vite et renouer avec des espaces de convivialité. Il y aura des métiers d’experts en expérience, capables d’anticiper et décrypter les tendances de demain.
7 – Les chefs des restaurants gastronomiques vont créer un passeport d’excellence
Conscient que la gastronomie française est la matrice de la gastronomie dans le monde, des chefs vont s’organiser pour proposer à la nouvelle génération des parcours à l’identique des compagnons dans une vision plus large. Ces parcours seront nationaux, de maison en maison sur des séquences de 2 à 3 ans et avec des formations courtes dans d’autres maisons à l’international. La gastronomie doit conserver son avance et affirmer sa position de leader d’opinion et plus de grande dame installée, intouchable et incontournable. Pour preuve qu’il faut réagir, les étoilés n’ont jamais été autant bousculés par les bibs gourmands, déjà plus nombreux, plus créatifs et moins chers. Il est temps que la gastronomie française arrête le championnat de France et aille en ligue des champions.
En synthèse, la mutation au cœur d’une carrière professionnelle, d’un secteur, est toujours une phase difficile car elle emmène chacun d’un environnement confortable mais souvent passéiste vers l’inconnu, une situation instable. Cependant, l’inconnu est toujours plus enrichissant car c’est lui qui nous oblige avec joie à construire demain.
Au cœur de cette mutation, je suis sûr que vous êtes des Optimus Prime (Transformer).
Belle semaine !