Déjà mis en lumière dans l’enquête que j’ai menée auprès de plus de 2000 consommateurs français en 2013, lors de l’écriture de mon ouvrage Addi(c)tion, l’attractivité du prix de la nuitée pour le consommateur au détriment du nombre d’étoiles, ne fait plus débat, et les appellations telles que « Palace », « Grandluxe », « Charming Hôtel », « Design Hôtel », « Urban Hôtel », « Budget Hôtel », « Lovely Hôtel », ou encore « Resort », tentent d’éclairer le client final non seulement sur l’expérience proposée dans l’établissement, mais aussi sur une catégorie de budget adjointes à ces dénominations.
Bien que toujours associée dans l’esprit du consommateur à un gage de qualité, une sorte de caution d’un certain niveau de sécurité, d’infrastructures et de services, « l’étoile de l’hôtellerie » a pour autant perdu de sa superbe, au profit de nouveaux labels, certificats de qualité, avis de consommateurs et autres identités de marques à forte caution.
Comment ce classement « référence » pendant des dizaines d’années n’est-il aujourd’hui décisif pour le consommateur connecté qu’à seulement 29%, bien loin du prix « le moins cher garanti », des avis de l’entourage, de tiers influents, ou encore des guides touristiques ?
Sans surprise, dans cette période de crise économique, le prix est devenu le critère décisif, mais pour autant cela n’explique pas que le nombre d’étoiles jusqu’ici aussi indicateur d’une certaine catégorie de budget ne soit considéré que par moins d’un tiers des clients finaux ?
Comment peut-on expliquer que ce classement « référence » il y a encore 10 ans ne soit plus évocateur d’une certaine grille tarifaire si chère au consommateur d’aujourd’hui ?
C’est lors du salon Equip’hotel, et à travers des discussions constructives avec les directeurs d’établissement que j’ai compris que l’association étoiles/prix était devenue plus complexe, notamment lors de cet échange avec le directeur d’un hôtel 3 étoiles qui m’expliquait avoir réalisé autant de chiffres d’affaires hôtellerie que l’année dernière avec 15 % de TO en moins, et ce malgré une fréquentation de la clientèle habituée réduite et une baisse des consommations in house, par le simple fait d’avoir pratiqué des prix d’un 4 étoiles sur la période de « saison ».
Ce même directeur qui, quelques minutes plus tard m’indiquait avoir trouvé un hôtel 5 étoiles « Art Déco » au prix d’un 3 étoiles en sur-classement sur Paris en pleine période de salon. Celui la encore qui laissait clairement entrevoir un doute sur un tel tarif pour un 5 étoiles…
Oui, le Yield management a bouleversé le chaine de valeur tarif/produit et le référentiel tarifaire adjoint à ce classement.
Mais le Yield n’est pas à lui seul responsable de la perte de valeur de ce classement. Dans les grandes régions touristiques, au lobby de l’hôtel, on parle plus la langue de Shakespeare que celle de Molière et pendant que des pays inventent les 7 étoiles, d’autres des 5 étoiles supérieurs ou encore les Palaces pour la France pour ne prendre que l’exemple du haut de gamme, TripAdvisor pour ne citer que lui, propose une même grille de « référence » de Pekin à Edimbourg.
Oui, l’harmonisation patine à l’international et on sent depuis 2009, peu d’avancée sur le sujet même si l’initiative de www.hotelsstars.eu soutient intelligemment ce projet d’harmonisation et tentent de « de proposer une classification des hôtels uniformisée, établie sur la base de directives et de critères communs aux pays participants. A la faveur d’une plus grande transparence et sécurité au bénéfice des clients, l’union s’emploie à étendre la renommée et la qualité de l’hôtellerie de ses pays membres et consolide ce faisant le marketing hôtelier. »
On ne peut pas mieux dire…mais encore de nombreux pays restent à convaincre pour rejoindre ce mouvement tout juste européen.
Dans ce contexte de transformation du parcours de décision et d’achat du nouveau client, nous pouvons nous interroger sur l’avantage commercial pour l’hôtelier à non seulement faire de son/ses étoiles un critère d’identification fort mais aussi à se tenir à cette catégorie de commercialisation ?
Dans les deux prochaines années et pour répondre aux nouveaux critères de sélection des consommateurs qui sont principalement le prix et l’expérience, les établissements devront certainement travailler davantage à l’implantation d’un concept, d’une ambiance, d’un thème qu’au simple respect des dimensions d’une chambre ou d’autres services nécessaires à l’obtention d’un certain niveau d’étoiles.
Il faudra pour prendre les bonnes décisions, celles qui sont essentielles au consommateur lors d’une vente, se poser la question de la maturité de son établissement et de son marché.
Sommes-nous en phase de lancement ? de conquête ? de repositionnement ?
En phase de lancement le travail sur notre cœur de cible, ses attentes auxquelles nous devons répondre dans « l’expérience client » est essentiel.
La période de conquête, est celle pendant laquelle nous devons élargir notre portefeuille client, conquérir de nouveaux marchés une fois notre offre et identité clairement définie. « La Chine est plus difficile à atteindre mais offre une perspective plus large que le Brésil », par exemple…
Enfin la dynamique de repositionnement doit être intégrée dès le départ dans un plan de développement. Se repositionner ce n’est pas échouer, c’est au contraire développer des offres adaptées à des marchés dynamiques à un instant T+1.
Nous sommes dans une économie qui va vite et confrontés à un consommateur avide de nouveautés. Comme l’explique avec justesse Karl Lagerfeld, « ce qui est à la mode aujourd’hui a un quart d’heure d’avance sur la ringardise ». Il faut accepter de devoir se repositionner si l’on veut un jour être à la mode et répondre aux questions suivantes :
Qu’avons nous d’unique ? De particulier ? De distingué ? D’exceptionnel ? De compétitif ?
C’est cette grille de lecture qui permet de donner un premier éclairage sur notre avantage concurrentiel. Mis en regard d’une grille plus « poétique » qui invite au voyage comme « Palace », « Grandluxe », « Charming Hôtel », « Design Hôtel », « Urban Hôtel », « Budget Hôtel », « Lovely Hôtel », ou encore « Resort », nous dessinons les contours d’une identité qui parle à notre cible. Enfin, nous pouvons étudier le niveau d’étoiles optimal sur notre segment de marché. Car, oui, même si beaucoup moins décisive pour le consommateur, l’étoile a toujours un effet bénéfique sur l’offre. C’est l’effet de la modernisation, de la sécurité, des équipements.
Quand l’offre globale évolue dans un territoire cela crée toujours des leviers de croissance.
Selon François Delahaye et Pierre Ferchaud « un palace est un endroit qui vous procure le sentiment de vivre un instant rare, unique » (sources wikipedia).
Quelque soit la catégorie de votre établissement, quelque soit le classement de référence, une question demeure centrale :
Quel sentiment souhaitez-vous donner à votre client, quel moment souhaitez-vous lui faire vivre ?
Car c’est de l’expérience que nait l’émotion.