Overdose de dîners clandestins

En pleine période de prohibition des plaisirs de la table, certains continuent à se risquer à offrir ce service à des clients en quête de sensation. L’interdit a toujours attiré une partie de nos contemporains.

Finalement, cette histoire du Palais de Vivienne aurait pu rester anecdotique, mais la rumeur installée par un des protagonistes évoquant la présence d’un membre du gouvernement a provoqué l’emballement des médias et des réseaux sociaux.

En réalité, cette séquence révèle un climat de défiance envers les élites considérées par un très grand nombre de concitoyens comme des nantis . L’expression même du hashtag #mangerlesriches démontre l’ambiance d’un pays qui privé de libertés sombre dans les extrêmes.

Enfin, le second #onveutdesnoms, nous fait revivre les pires moments de notre pays, une société de délation où le jeu est de démasquer les puissants ou une caste, en déterrant photos ou vidéos et toute autre preuve sur les réseaux sociaux : notre nouveau tribunal médiatique avant que notre justice puisse faire son propre travail d’investigation.

Ce n’est donc pas ce repas clandestin qui est grave même s’il est scandaleux et à ce titre il doit être puni si cela s’avère prouvé, mais les conséquences qu’il provoque, car il submerge nuisiblement nos esprits.

Viralité et virulence sont devenues des synonymes, où le poison de la rumeur nourrie par les médias qui ont sans cesse fait leur une sur des dorures et du caviar pour opposer le tout à un peuple déprimé pour que les clashs entre les concitoyens et la fausse évidence d’une inégalité soient mis au grand jour.

Des repas clandestins, il y en a d’autres et cela reste marginal et ce n’est pas la représentation de la profession qui est sensible aux contre-mesures proposées par l’Etat pour résister en cette période difficile pour l’économie.

De nouveau ce week-end, les médias et plus particulièrement BFMTV dénoncent de nouveaux malfrats où les expressions employées démontrent l’engagement des journalistes à provoquer les ruptures entre les concitoyens : « des clients sont des avocats ou des grands chefs d’entreprise consommant des viandes de race et venant avec de grosses berlines ou de gros 4×4… » Le sujet porté par les rédactions n’est donc pas le fait de relater un épisode de larcin dans un restaurant clandestin mais de vouloir prouver que nous aurions deux France.

Comme si les journalistes cherchaient enfin à avoir leur affaire Dreyfus en prenant pour exemple le fou de Bonaparte pour faire naître un conflit social et politique majeur pour la 5eme République depuis le fond d’une cuisine.

Nous voulons mettre sur le même plan inégalité et injustice qui sont pourtant deux combats différents.

Sans le savoir, nous nous droguons à une information qui souhaite créer de l’évènement pour barrer la parole publique qui elle donne du sens à notre collectif.

J’en suis même à penser que le décès du prince Philippe sauvera cette décadence d’analyse de notre société car elle occupera médiatiquement les journaux en continu. Je ne pensais pas un jour être sauvé par la mort.

Nous exprimons en permanence des doutes et des ressentiments à l’encontre des classes dirigeantes, où l’on nous a persuadés qu’ils étaient tous déconnectés de la réalité.

Je n’ai pas ce point de vue de défiance auprès de ces femmes et ces hommes qui travaillent pour l’Etat.

Nous avons un pays solide, qui résiste plus que l’ensemble des pays dans le monde aux différentes crises, nous ne savons juste plus mesurer la chance que nous avons d’avoir érigé des modèles d’éducation, de protection, de santé, certes qui ont encore besoin de progresser par la transformation de l’action publique.

Notre addiction à l’analyse rapide de l’information en continu due à sa viralité par les médias  et réseaux sociaux obstrue notre horizon, soyons plus fort pour éclairer la prochaine génération.

 

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