L’objectif unique d’un restaurant est de satisfaire ses clients, pas d’être distingué.
Cependant, la distinction apporte la mise en lumière grâce à la couverture médiatique qu’offre celle-ci. Ce qui veut dire que ce n’est pas le lecteur des guides qui apporte le succès, mais les journalistes qui couvrent l’évènement et le font savoir au plus grand nombre.
Comme la majorité des guides ont raté leur virage digital, d’autres ont pris des positions de leader de référence : les sites d’avis de consommateurs et les plateformes de réservation de table. Ces deux derniers peuvent–il être aussi effacés, dans les prochaines années, grâce à une nouvelle révolution digitale incarnée par de nouvelles places de marché ?
C’est envisageable, mais actuellement, se profile la stratégie de l’attractivité de la marque. De plus en plus, le propre territoire et signature de la marque des maisons ou des personnages ont pris une place importante dans le cœur des clients. Ces derniers, sans filtre de guides ou sites d’avis de consommateurs, accèdent directement aux établissements grâce aux médias que l’on prénomme Facebook, Twitter, Instagram, Linkedin…
Les chefs sont passés d’un statut de stratégie de notoriété dépendante à indépendante, et les plus habiles le savent déjà.
Prenons l’exemple de la manifestation de Michelin pour élaborer le repas des 24 du Mans. C’est Jean-François Piège qui a été choisi : l’est-il parce qu’il a le secret absolu de la cuisson de l’œuf, ou pour sa puissance de marque liée à sa présence dans les réseaux sociaux ?
La visibilité acquise par Michelin sur le mur de jean François Piège ? 953 « J’aime »!
Certes nous sommes encore loin de la puissance de marque d’un Gordon Ramsay. Mais en réalité, si le graal est posé des 3 étoiles au Grand Restaurant, je suis sûr que l’un de ses meilleurs clients lui dira « J’étais sûr que vous les aviez déjà depuis longtemps, vous êtes tellement présent ! »
L’idée n’est pas de démontrer s’il y aurait une quelconque confusion des genres entre le guide et un chef : ce n’est pas le cas et la manifestation est tout à fait légitime et transparente. L’enjeu est de prendre conscience que « vous êtes votre propre marque ». Plus votre communauté sera forte, plus les opérations de cobranding vous seront alors ouvertes avec d’autres marques.
Le monde bouge, parfois trop vite, il nous demande en juin de penser septembre et en septembre de penser à janvier alors que le métier propre de cuisinier c’est d’être au cœur de la saison. Les maisons qui fabriqueront de l’attractivité sont celles qui seront les plus agiles, posséderont un planning éditorial, s’adosseront à des spécialistes pour développer leur univers, consacreront du temps pour déployer une communauté, organiseront celle-ci sous forme de Big Data… ils endosseront une position de leader de préférence et deviendront un jour leader de référence.
Alors, les marques ombrelles de jadis auront moins de pouvoir sur l’activité de la maison, et ce gain de liberté sera des plus bénéfiques car les marques des chefs vont s’ouvrir au plus grand nombre : dès lors, la gastronomie sera ouverte à tous.
PS : Merci pour la confiance des lecteurs de Tribu et des nombreux messages que j’ai reçu ou vous vous étonniez du manque de publication de ces dernières semaines. L’activité professionnelle riche et aussi passionnante avait pris le pas. C’est une joie de partager de nouveau des points de vue avec vous !