Il existe un point commun entre Alain Ducasse, Anne-Sophie Pic, Philippe Etchebest, Cyril Lignac, Yannick Alleno, ..etc…puis Flunch, Mac-Donald, KFC et le Kebab du bas de votre rue : ils sont tous restaurateurs !
Même statut, même reconnaissance de l’état, même avantage de TVA à 10 %, et même code APE ! Il semblerait qu’ensemble tout le monde se complaise à appeler cela « la profession ».
Pourtant quelques-uns ont plus une approche d’artisan ayant la volonté de sourcer un produit, de le transformer et de le préparer afin de l’offrir à leurs clients en fonction de recettes pensées, quand d’autres guidés par l’agro-alimentaire s’affairent à déconditionner des produits semi-finis… mais au yeux de l’organisation étatique française, c’est le même métier puisque qu’ils répondent au marché de la « bouffe » !
Cette hérésie structurelle est peut-être l’une des origines de la plus grande pénurie de personnel qualifié pour la restauration. Cette confusion conduit à des conventions collectives communes qui emmènent droit dans le mur les professionnels de la cuisine et du service qui représentent aux yeux du monde entier : un des savoir-faire Français.
Pourquoi ? car la règle est commune à tous : prenons par exemple « le respect de la durée minimale quotidienne de repos ». Il convient de respecter la durée minimale du repos quotidien qui doit être de 11 heures consécutives (article L. 3131-1 du Code du travail). Je pense que 80 % des restaurants traditionnels et gastronomiques ne peuvent pas respecter cette directive car passer d’un produit brut à un produit fini et ouvrir un sachet, ce n’est pas le même temps de travail, et financièrement les artisans de la restauration ne peuvent pas avoir deux équipes pour respecter le temps de travail et de repos. Économiquement, c’est impossible dans l’état actuel des charges salariales qui se greffent au salaire net.
En plus, les nouveaux entrants de la profession ont d’autres aspirations : ils ne souhaitent plus de coupures, des temps de travail mieux organisés, et des méthodes de management différentes de leurs aînés.
Sur ces 2 dernières semaines, mes activités professionnelles m’ont conduit dans 10 tables gastronomiques toutes distinguées par les guides, ils ont tous un problème : le recrutement, et un deuxième problème : l’organisation du travail en fonction de la règle pour tous.
Dans l’esprit de chaque professionnel que j’ai rencontré, il y a cette volonté de continuer à faire un métier d’artisan et d’assurer la transmission des savoir-faire tout en ayant une entreprise rentable. Ils ont aussi la volonté de changer leur méthode de management et de mieux comprendre la nouvelle génération. Mais en sous-effectif, et parfois avec des effectifs qui n’ont pas eu le temps de formation nécessaire pour être de vrais professionnels, un flou sur l’avenir s’installe.
Alors que la restauration bistronomique, gastronomique est déjà prise en étau au niveau de son marché entre l’instabilité des guides gastronomiques qui changent de stratégie et les sites d’avis de consommateurs, il existe un problème fondamental autour de la ressource pour que nous restions la matrice de la gastronomie dans le monde.
Et, personne ne fait rien ! Je ne vois ni une association, ni une chaîne, ni un syndicat, ni des personnalités qui tenteraient de bâtir un nouveau modèle d’organisation et du respect du travail en faisant la différence entre Artisan-restaurateur et agro-restaurateur…car si justement, il y a une prise en considération des différences de ces deux secteurs : filière, formation, charges sur les salaires, réorganisation du temps de travail, management : tout pourrait être repensé pour un monde meilleur où l’art du geste, le savoir-faire, l’emploi non délocalisable, pourraient être conservés.