L’expérience au restaurant en France n’est-elle pas bridée par les guides, les journalistes, et quelques influenceurs ? Un microcosme qui se concentre dans le pays du fromage à une sorte de liturgie : « il n’y a que l’assiette qui compte », ou encore « nous ne sommes pas là pour bouffer les rideaux »… En filigrane, est-ce que tous les nouveaux restaurants qui ouvrent en France ne sont déjà pas ampoulés par manque de rêve.
Les « faiseurs de rois » ont tellement clamé haut et fort que les chefs en France étaient des stars, qu’en réalité de nombreux pays étrangers ont pris de l’avance sur l’expérience globale au restaurant. Bernard Loiseau aimait à répéter que la star ce n’était pas lui, c’était le produit… Est-ce qu’aujourd’hui la vedette, ce n’est pas le client? Il est concrètement devenu un influenceur visible en prenant maintenant la parole plus facilement à l’aide des sites d’avis de consommateur. Cependant, peu de créateurs de restaurants ou de porteurs de projets de rénovation, ne prennent en compte ces nouvelles attentes, souvent liées à un désir d’émerveillement.
Pierre et Marie Curie avaient écrit sur leur carnet, une aspiration : « il faut faire de sa vie un rêve, et faire d’un rêve une réalité ». Entre deux équations, la citation devenue légende inspire de nombreux projets de restaurants à l’étranger et la France continue de s’enfermer dans les traditionnels codes du déjeuner de 12 h à 14 h ou du dîner 20 h à 22 h où la seule star est le chef.
Prenons des exemples, sur les 20 derniers restaurants gastronomiques qui se sont rénovés ou montés dernièrement, comme Christophe Bacquié qui a été l’un des premiers à imaginer la cave au fromage comme expérience sensorielle au cœur d’un repas ou quelques designers brillants qui ont illuminé d’autres salles à manger, que retenez-vous comme innovation en France sur l’expérience globale au restaurant ?
Certes, nous sentons des courants qui passent de la quête du sens à l’engagement, comme les circuits courts pour les produits ou une identification parfaite sur leur origine ou le suivi sur la traçabilité : une sorte de cuisine santé pointe aussi son nez. En 3 mots : l’assiette, l’assiette, l’assiette. Et le reste ? Un ancien directeur du guide Michelin expliqua qu’il aurait rêvé donner 3 étoiles à un restaurant servant dans des écuelles en bois. La France manque-t-elle d’audace? La plus grande innovation : on a retiré les nappes… tu parles, j’abîme maintenant tous mes costumes…
La France ne place pas ou plus le client dans une expérience poly-sensuelle. Bonheur, plaisir, partage, joie ne seraient-elles pas les premières réponses à apporter au client lors de la conception d’un restaurant. Evidemment, la sacralisation d’Escoffier qui a codifié la cuisine jusqu’à savoir quelle cuillère utiliser pour quel potage, a enfermé 3 bonnes générations de restaurateurs. Cela a laissé place, de plus en plus, aux traiteurs qui eux, subliment maintenant les évènements en scénarisant l’expérience gustative.
Lorsque l’on me demande une de mes meilleures expériences gastronomiques, je réponds souvent le Supperclub à Amsterdam. Un piano en face d’une platine et tous installés en dansant sur des matelas, nous avions des assiettes d’un niveau de 2 étoiles. Dernièrement je regardais le film « les recettes du bonheur », dans lequel les auteurs expliquent que la cuisine française sera meilleure avec des inspirations de l’Inde et que l’on obtient la consécration en ayant une approche moléculaire : un message ?
La France est sûrement la matrice de la gastronomie, je pense que je croise même très souvent des chefs qui ont le « goût absolu ». C’est pour cela que les hommes et femmes maîtres d’hôtel, sommeliers, doivent plus épauler le chef dans les années à venir, pour redéfinir l’expérience au restaurant en France, afin qu’elle redevienne le cœur de la satisfaction du client et une place essentielle dans un marché international.