Une France d’assistés, qui ne veut rien foutre ?

Ce lundi 16 mai, sur RMC l’avocate Sara Saldmann qui intervenait sur le sujet des 200 000 emplois à pourvoir dans le secteur de la restauration a déclaré :

« Ces personnes sont payées au Smic et ce n’est pas attractif dans la mesure où l’on a des personnes sous perfusion d’allocs, sous perfusion d’aides, qui sont vautrées dans leur canapé à bouffer des chips toute la journée devant la télé et ils se disent : « Ah ben non je ne bosse pas ». Parce qu’ils se disent si on cumule toutes les aides, on aura quasiment la même chose, donc ils se disent : « Je vais laisser mon cul sur le canapé et je ne vais rien foutre… »

J’ ai pris connaissance de ce point de vue car sur mes réseaux sociaux de nombreux restaurateurs désespérés de cette pénurie du personnel ont repartagé cet extrait de l’émission. Les aides données seraient donc une grande partie de la cause de cette pénurie, et je trouvais intéressant de contextualiser cette position… populiste ?.

D’abord, c’est la convergence de plusieurs phénomènes non-exhaustifs qui sont à l’origine de cette crise :

  • les horaires trop importants par jour, l’application de la coupure,
  • un management autocrate (qui s’améliore chaque jour),
  • une perte de mentorat,
  • un manque de reconnaissance,
  • une poursuite de l’organisation de l’entreprise dans un format militaire où il est difficile pour les talents d’émerger,
  • une profession qui a une faiblesse dans les outils de formation pour accueillir des personnes en reconversion,
  • une prise de conscience par une grande majorité qu’une autre vie était possible suite à la covid.

Je ne remets pas en cause le fait que quelques restaurateurs proposent encore des rémunérations historiquement basses, mais cela fait longtemps que les salaires ont progressé, effet logique de l’offre face à la demande rare. De plus, depuis le 1 avril, un accord salarial entre les partenaires sociaux a instauré une rémunération minimum supérieure de 5 % au Smic et une augmentation moyenne de 16,33 % de la grille des salaires, dans une branche des hôtels cafés restaurants (HCR).

Je n’ai pas donc pas le même avis sur mes contemporains qui seraient devenus une « France d’assistés qui ne veut rien foutre ».

Cependant, en cherchant l’origine de ce climat, je constate que notre système depuis 2008 a permis de créer des mouvements simples entre le statut de travailleur et de non travailleur grâce à la rupture conventionnelle. Pratiquement plus personne ne démissionne et cela coûte un pognon de dingue à la collectivité.

En conséquence, nous sommes le seul pays dans le monde où les entreprises rémunèrent des cotisations des chômeurs gagnées sur le dos de salariés actifs.

Que l’on comprenne bien l’angle de mon propos, ici, je ne souhaite pas remettre en cause les raisons comme la fermeture d’une entreprise ou l’outil du chômage combiné à de la formation permet à une personne en difficulté de retrouver un autre emploi. Organisation qu’il faut conserver pour aider les plus faibles où ceux qui rencontrent un accident de parcours de vie professionnelle.

Ici, je souhaite dénoncer que l’envol des ruptures conventionnelles est l’une des causes où oui la rémunération des salariés actifs n’est pas assez élevée car les entreprises versent des sommes considérables pour que la collectivité finance peut-être une partie des reconversions de certains mais surtout des personnes qui auraient dû simplement démissionner.

Pour vous en rendre compte en 2018, la rupture conventionnelle représente 21 % des allocations de l’assurance chômage, c’est-à-dire 7 milliard d’euros. Certains vous diront que grâce à la rupture conventionnelle cela permet de garder que des salariés motivés dans les entreprises. De mon point de vue, je pense que si nous pouvions redistribuer aux salariés actifs une grande majorité de ces sommes, elles pourraient redonner du pouvoir d’achat et elle marquerait une vraie différence de revenu entre un salarié actif et non actif.

En réalité, en voulant passer d’un statut très strict en matière de rupture de contrats à un pays aux conditions très favorables, guidés par les syndicats des entreprises, nous avons flingué une chaine de valeurs et sommes face à des abus.

La rupture conventionnelle était un formidable outil pour encourager la création d’entreprise, où le salarié pouvait de sa propre initiative sécuriser son parcours pour à son tour créer de la richesse à notre pays, c’est devenu un outil facilitateur qui prolifère et qui interpelle.

Si les restaurateurs avaient une libération au moins de la moitié de cette cotisation, elle serait immédiatement reversée aux salariés actifs sans venir ralentir l’équilibre financier de chaque entreprise. Il ne faut donc pas travailler plus pour gagner plus, il faut penser mieux pour que les salariés gagnent plus.

Partager ce billet

Comments are closed.