Il y a 20 ans, lorsque j’étais à l’école hôtelière de Poligny, notre professeur de cuisine demanda d’où venaient les petits pois et une camarade innocemment avait répondu : « des boîtes ». Inévitablement une partie de la classe se mit à rire.
Mais en réalité, si tes parents t’ont toujours faits des légumes en boîte pour diverses raisons, manque de temps, de transmission de leurs propres parents ou parce que les conditions de vie difficile n’auraient permis que d’accéder à d’autres produits que la 4° et 5° gamme pour se nourrir, il faut donc analyser différemment cette situation.
Hier, en raccompagnement la Baby-sitter qui doit avoir environ 20 ans, elle me dit dans la voiture, « à la maison c’est moi qui cuisine ! » Evidemment mon œil brille et je l’interroge sur son dernier plat ! « C’était des pommes dauphines » dit-elle toujours avec enthousiasme, j’enchaine alors sur la recette des pâtes à choux…elle me regarde bizarrement puis me répond « ben non je vais dans le « congèle », j’ouvre une boite et je les laisse pendant 20 minutes au four : enfin… je cuisine quoi ! »
Il y a donc eu un long silence, 20 ans ont passé, un moment de solitude m’envahit et la naissance de ce billet prend forme.
En ce moment, le grand débat des « sachant » dans les réseaux sociaux sur l’avenir de la cuisine, est d’expliquer que les chefs qui ne rencontrent pas les producteurs ne sont pas des cuisiniers… Dans mon métier du digital, j’ai fait un parallèle : je pense qu’aucun de mes collaborateurs n’a rencontré Steeve Job, ils font pourtant tous des superbes créations ! Positionner le curseur à la relation à l’autre n’est pas de mon point de vue la réflexion qui permet d’apporter la vision. En revanche positionner le curseur pour l’autre est peut être une partie de la réponse.
Oui ! Vos consommateurs n’ont plus la connaissance culinaire de la grand-mère « d’y a 40 ans » qui lorsqu’elle poussait la porte d’un restaurant, si elle ne tombait pas sur un « Monsieur Chapel » n’était pas époustouflée.
C’est en se remettant dans l’esprit et au haut niveau de connaissance culinaire du consommateur des années 1970 que nous allons redonner une dimension émotionnelle à la création en cuisine.
Mon propos n’est pas de dire la cuisine d’avant était meilleure : je ne le pense pas.
Mais je crois profondément que comme me le disait souvent Monsieur Loiseau, lorsque j’étais en cuisine à ses côtés « Rémi, nous travaillons pour les 5 % de connaisseurs, c’est pour cela que ma cuisine est si précise, les 95 % autres vont en profiter ! ».
Depuis cette nuit, je cherche une idée simple pour donner du sens à la création et la transmission, et c’est vers 3 h 30 du matin que j’ai pensé à « AGI » : je m’empresse alors de le partager avec vous : Amour, Générosité, Identité.
Si à chaque création, chaque nouveau plat ou évolution d’un plat pour qu’il devienne un jour signature, nous ne nous poserions pas cette simple question : est-ce que j’AGI ?