Une crise, c’est un espace-temps perturbé où ensuite tout redevient comme avant.
Ce ne sera pas le cas demain.
Les nations ont décidé de protéger l’humanité face à ce virus, par le passé les anciennes épidémies nous apprennent que nous comptions des millions de morts comme la grippe espagnole de 1920 – les décisions de l’époque étaient différentes sur l’orientation du fonctionnement des nations et de leur économie, rien n’avait par exemple été confiné.
C’est naturellement héroïque de prendre une telle orientation.
Je vous disais que ce n’était pas une crise, je l’identifie comme une sorte de tsunami, un mouvement puissant, invisible qui s’abat sur nos nations, et au moment où elle frappe, nous ne faisons que pleurer chaque jour ceux qui n’ont pas su ou pu se mettre en hauteur ; « se confiner » pour ne pas être emporté par cette vague. Certes, de nombreux s’en sortent et avant tout nos enfants. Tant mieux.
Mais cette vague va se retirer, et vous avez tous en tête ces images de ce monde de désolation qui reste derrière elle, nous protégeons avec bravoure l’humanité et n’avons pas encore anticipé cette terre détruite qui va laisser place à cette vague : notre économie.
J’ai toujours pensé que l’économie n’était pas une réalité, mais simplement des codes établis entre de simples représentants de commerce.
Les responsabilités sociétales et environnementales sont des réalités.
Ce qui veut dire que nous pourrons rebâtir cette terre, nos nouvelles méthodes d’échange entre nous pour continuer à vivre mais en adoptant des missions responsables au sein de nos entreprises pour protéger notre avenir.
Pressentant de nouvelles opportunités, j’avais publié le 18 mars : devenons des entreprises à missions : un billet qui a fait un bide. Je tentais d’expliquer qu’il fallait par exemple réfléchir au sein de son entreprise plus à ses engagements qu’à ses offres.
Pour être concret, lors d’une réservation de table, d’hôtel ou de coffret cadeaux, c’est peut-être penser à reverser un montant de 1 à 2 % à des organismes qui en ont besoin pour entrer dans un commerce solidaire. Mais il faut aussi imaginer des solutions pour le traitement des déchets et recycler en autonomie. Il faut peut-être s’engager dans la progression des métiers et des savoirs de ses équipes pour assurer le développement de l’autre, ou encore redécouvrir des achats de produits locaux, les sublimer pour créer des expériences gastronomiques et renforcer ainsi l’identité de son propre territoire et fabriquer des nouveaux cercles vertueux.
Il faut raisonner en mission et plus seulement en budget prévisionnel où il n’y aurait que comme seul guide la maximisation des profits Je milite pour que les entreprises soient rentables mais il faut aussi mobiliser ses équipes et sensibiliser ses clients par le bon sens de l’action.
Mesurer le résultat brut d’exploitation et la capacité d’autofinancement d’une entreprise ne suffira plus. Il faut entrer d’autres critères de performance au sein de ses indicateurs. Et que l’on soit bien clair, je refuse l’idée que la recherche de profitabilité s’oppose aux missions d’intérêts collectifs. Au contraire, comme d’autres, je pense qu’ils se consolident mutuellement et bénéficient à l’entreprise, l’économie, aux humains et à la planète.
En, parallèle, j’ai eu de nombreux chefs au téléphone cette semaine, ils me questionnaient déjà sur mon sentiment de la position des guides gastronomiques de 2021. En toute transparence, je leur ai répondu que ce sera la même édition que l’année 2020, moins la liste des établissements ruinés.
Alors il est temps de penser à un modèle d’entreprise qui peut contribuer demain au bien commun.