Cette semaine, les phases de la réouverture des restaurants sont connues mais pas les dates, cependant au regard du confinement de 16 départements tous les pronostics conduisent à penser que la deuxième phase, la plus attendue, sera aux alentours des 15 premiers jours de juin, mais personne ne peut l’affirmer.
La première phase concernerait les restaurants d’hôtels et autoriserait leurs clients à prendre leur petit déjeuner dans la salle de restauration.
La deuxième phase serait marquée par l’ouverture des terrasses des cafés et des restaurants ainsi que de l’intérieur de l’établissement dans la limite de 50 % de sa capacité d’accueil (y compris pour les restaurants d’hôtel).
La dernière phase serait un retour à la situation d’octobre, avec une ouverture complète des établissements, sans jauge mais toujours dans le respect du protocole sanitaire renforcé.
Mais cette deuxième phase a un prix : celle de n’ouvrir qu’à 50 % de la capacité de l’accueil à l’intérieur, et je ne connais pas d’entrepreneurs qui peuvent se passer de 50 % de leur chiffre d’affaires, sauf bien entendu en maximisant encore les outils d’aides de l’état mis à disposition pour sauver le soldat restauration, mais derrière cette jauge se loge aussi toute une économie qui elle ne peut pas se limiter à 50 % de son activité, je pense aux producteurs, fournisseurs, artisans…
Ces phases, je les respecte car il faut un ordre pour sortir tout un pays d’une crise mais je ne les accepte pas car elles mettent le marché et une filière en danger.
Alors que 94 % des Français selon l’étude réalisée par le Collège Culinaire de France sont prêts à retourner aux restaurants dès leur réouverture, la jauge ne permettra pas de tous les accueillir, mais attendre la règle, c’est aussi avoir envie d’ouvrir « comme avant », alors que cette année d’incertitudes a permis de profiler des nouveaux marchés, à vous, et à nous de réfléchir comment s’en saisir pour que demain de nouvelle filière existe.
Alors posons-nous d’autres questions.
- Une jauge à 50 % : très bien et c’est calculé en fonction d’un espace, mais qu’est-ce qui interdit de transformer cette salle de séminaire qui ne sert plus à grand-chose avant fin 2022 en nouvelle salle de restaurant avec une même offre ou avec une autre offre en la baptisant par exemple « la salle d’en face » ou « d’à côté » pour accueillir le même monde qu’avant sur plus d’espace ?
- Qu’est-ce qui nous interdit de transformer durablement des chambres ou suites en espace de « In dinning Room » et plus seulement en Room Service avec une offre entièrement pensée et commercialisée sous forme de coffret cadeau et accessible aussi simplement pour un déjeuner ?
- Qu’est-ce qui empêche des chefs distingués par des guides de se réunir ensemble pour créer des alliances et des services pour passer d’une cuisine emballée à une gastronomie à domicile pour structurer un marché et le faire devenir rentable au lieu que la valeur de ce marché soit captée par des intermédiaires ?
- Qu’est-ce qui nous empêche de ne plus seulement laisser la place à des mini-market issus souvent de la grande distribution et qui prennent la place des épiceries de quartier qui pourraient être animées par des restaurateurs en reconversion en lançant des concepts-stores combinant repas et retails plutôt que de simples restaurants ?
- Qu’est-ce qui nous empêche de repenser le service du petit déjeuner au sein des grandes brasseries pour le faire devenir un nouveau moment de repas ?
- Qu’est-ce qui nous empêche de proposer dorénavant au client plusieurs heures de service pour augmenter la plage horaire et mieux faire tourner les tables au lieu de ce sacro-saint 12 h et 20 h, plus particulièrement pour les territoires hors Ile-de-France.
En fait, rien ne nous empêche, nous pourrions juste sans le vouloir refuser de passer à côté d’opportunités que cette année 2020 a créées, baignée d’incertitudes. Et dans cette épaisse fumée de contradictions, des points de lumières sont apparus en plus de celui du bout du tunnel qui lui n’est conditionné que par la vaccination.
Attendre les phases, en réalité ce n’est pas agir, il faut réussir à essayer, s’engouffrer dans de nouvelles époques pionnières d’une restauration qui est trop restée figée, qui ne s’est peut-être pas assez renouvelée sur ces dernières années.
Je suis aussi conscient qu’entre les phases, il faut du courage car penser demain alors que la profession est totalement à l’arrêt peut ronger l’envie d’entreprendre : mais vous avez en ce moment entre vos mains ce qu’il y a de plus précieux dans la vie : le temps.