En 10 ans, les techniques en cuisine ont énormément évolué. Chercheurs, fabricants de matériel, nouvelles générations de chefs, ayant eu à la fois la transmission des gestes, mais encore plus audacieux que leurs pairs, ont aussi découvert les univers des cuisines des autres pays en voyageant plus.
Ainsi, nous pourrions penser que la gastronomie s’améliore. En réalité n’est pas-t-elle en train de se dégrader à cause d’un seul maillon faible ?
Car oui, il me semble qu’un des maillons régresse : celui du produit qui, sous la domination des grands industriels, devient banal, sans odeur, modifié par une quantité de produits que la nature ne connait pas. Il suffit de lire avec attention les articles et ouvrages de Perico Legasse, pour comprendre que nous sommes devenus des machines à consommer et que, par facilité, nous nous rapprochons du lieu qui réunit tous les produits venus d’ici ou d’ailleurs pour composer les cartes d’aujourd’hui.
Alors le cuisinier visionnaire sera sûrement celui qui sera moins présent en cuisine, mais plus au contact des autres pour apprendre un nouveau métier : le sourcing.
Les sommeliers le pratiquent depuis longtemps : successivement ils échangent, comprennent la terre, le vigneron, la parcelle qui se cache dans une bouteille. Le cuisinier, hormis quelques avant-gardistes, l’envisage mais par manque de temps ne peut encore complètement le maîtriser dans la palette d’engagements que lui impose l’exigence de la gastronomie.
Le cuisinier en quête d’excellence de demain, passera plus de 25 % de son temps au côté des producteurs, éleveurs, dénicheurs de bons produits, où la traçabilité et l’élevage seront irréprochables, mais surtout où le produit offrira le meilleur en fonction de la maturité de la saison.
Le cuisinier sera comblé par la rencontre et le partage, extraordinaire grâce aux histoires qu’il sera en mesure de raconter à ses clients sur comment telle ou telle recette a été imaginée aux côtés des ambassadeurs de territoires qui défendent leur parcelle à coup de savoir-faire et de respect de dame nature.
Alors l’assiette qui aura été « sourcée » aura une chose que les autres tables n’ont pas : L’éclat.
Car en réalité, un plat qui véhicule le plus d’émotions est celui qui est abordé par l’éclat et celle-ci ne peut naître que par la rencontre de l’autre.
Alors pour ma part, cela ne me dérange pas que lorsque je déjeune dans un restaurant le chef soit absent, car je sais qu’il est auprès de ceux ou de celles qui nourrissent sa créativité pour le plaisir de ses hôtes.
Demain, quand le chef sera moins en cuisine, elle sera encore meilleure.