Certes, les réseaux sociaux, Facebook et Twitter ne sont pas des observatoires exhaustifs mais ils me donnent une tendance sur les attentes de la profession et cette année, j’ai constaté que mon mur était engorgé de : cherche cuisinier, pâtissier, réceptionniste, maître d’hôtel, etc… Alors que notre pays a malheureusement un taux historique de chômage, tout un secteur, lui, ne trouve pas de collaborateurs et collaboratrices pour répondre aux services du client. Alors cette semaine : je m’interroge sur cette inadéquation entre offre et demande d’emploi dans notre domaine.
Au cœur de l’union européenne, ce sont près de 9 millions de personnes qui travaillent dans ce secteur, et contribuent au dynamisme de tout un gigantesque marché touristique, que ce soit au sein de structures d’hébergement pour des séjours de courtes durées ou auprès des restaurants, bars, et cafés.
Dans de nombreuses études, il est expliqué que ce secteur a une fréquence du travail à temps partiel plus élevée que dans les autres secteurs de service, et dans l’ensemble de l’économie. Est-ce la raison d’un tel désamour? Pas si sûr…
Si nous analysons les forces de ce secteur, tout d’abord, il est important de souligner que celui-ci est à la fois irremplaçable et non délocalisable : les touristes de proximité et ceux du monde entier, continueront de se déplacer pour contempler la Tour Eiffel, et vivre des expériences inoubliables propres à un territoire. A fortiori, il existe donc dans ce secteur une certaine pérennité de l’emploi et une dynamique de progression de carrière, atout majeur pour séduire des futurs candidats. L’ouverture à l’international, est également un élément positif pour les candidats à une vie professionnelle enrichissante, et pouvoir exercer aux 4 coins du globe est un élément déterminant dans le choix de carrière de beaucoup de jeunes. Enfin, ce secteur offre des possibilités multiples d’y accéder. Le candidat sans diplôme pourra convaincre par une valeur travail forte, à l’inverse d’autres secteurs qui n’offrent aucune chance aux potentiels « Self Made Men ».
Mais, certaines faiblesses demeurent, comme des gains de productivité limités, des marges bénéficiaires peu élevées, un parcours professionnel qui n’inscrit pas suffisamment la formation au cœur de sa matrice, ou une mauvaise réputation et plus particulièrement cette année avec la mise en lumière de l’actualité sur la « violence en cuisine ». Enfin, la forte dépendance à la saisonnalité et aux douloureux évènements comme ceux du 13 novembre, tendent à freiner certains enthousiasmes.
Si maintenant nous détaillons les menaces, c’est avant tout le recours à des travailleurs non déclarés, qui met en péril les conditions de travail, et inéluctablement la compétitivité. Ajoutons à cela, un système d’éducation et une corporation de professionnels, qui ensemble, dialoguent mal et c’est toute la qualité de l’enseignement dans les années à venir qui pourrait être compromise.
Etant un optimiste né, je pressens des opportunités : les femmes seront de plus en plus nombreuses à travailler dans ce secteur et les dirigeants adaptent leur poste – j’en profite pour préciser à quelques dirigeants que lorsqu’une femme est enceinte : elle n’est pas malade, elle crée la vie et c’est une chance pour notre monde– .
Enfin, je ressens une exigence de plus en plus grande de la part des consommateurs, c’est une chance pour la profession, car cela indique que demain les questions en matière de qualité pourraient augmenter la valeur du secteur. Puis les modes de vie évoluent, j’avais il y a quelques semaines écrit un billet sur : la gastronomie s’emballe parce qu’elle s’emporte , ce phénomène va créer des nouveaux postes dans la profession.
De mes échanges avec les professionnels, je retiens leur souhait de collaborer avec des talents de plus en plus polyvalents. Ce qui m’interroge sur la nécessité d’engager des programmes, pour que demain, on sache cuire le poulet et le découper en salle (je fais des raccourcis pour l’exemple) ou à l’inverse, l’un doit connaitre toutes les techniques de cuisson et, en salle, l’autre doit être en mesure d’expliquer en plus au client l’origine du poulet, sa traçabilité. Cherchons-nous à créer des carrières de simple connaisseur, spécialiste ou expert ? Ma vision est trahie par mon obsession de quête perpétuelle de l’excellence et ma fidélité en l’expertise.
En parallèle, oui, les compétences linguistiques, la maitrise des nouvelles technologies, un grand savoir-faire jumelé à un savoir-être en matière de service et une dose d’analyse en gestion, sont les ingrédients du cocktail gagnant de demain.
De mon point de vue, la profession n’arrive pas à trouver ses collaborateurs, car elle n’est pas « passeur » de talents.
Les chaînes hôtelières ou les associations, ont un rôle important et peuvent être l’une des solutions. En incarnant à travers leur marque, une sorte de passeport d’emploi qui accompagnerait le salarié, de maison en maison, pour le faire progresser pour qu’un jour, il puisse obtenir un poste à responsabilité ou créer sa propre entreprise. De toute façon, la guerre de la distribution en ligne est pliée, le consommateur passera par des places de marchés ou en direct, auprès de l’établissement. Autant consacrer les budgets des chaînes hôtelières, ailleurs, là où le membre en a besoin : la détection des talents.
Je prône pour que la profession trouve un moyen de reconnaissance, de certification internationale des compétences importantes pour le plan de carrière des salariés, c’est la culture de l’apprentissage tout au long d’une vie qui va motiver employeurs et employés.
Coopération entre les professionnels et le système éducatif, amélioration de l’image de tous les départements qui composent un hôtel restaurant, initiatives pour que les femmes soient plus nombreuses et accèdent aux postes clés, construction de plans de carrière, engagement dans la promotion et la mobilité interne, développement de l’expertise, apprentissage tout au long de la carrière, création de réseau ou passeport pour développer la cooptation et l’accompagnement, voilà quelques pistes qui permettront demain aux professionnels d’identifier leurs partenaires.
Définitivement, le plus précieux : c’est le capital humain qui, au cœur de profonds changements en termes d’activités économiques en Europe, a besoin davantage de reconnaissance et d’éclairage, pour développer ses capacités, car les compétences existent, elles ne demandent qu’à être révélées.